Voici un résumé de l’échange que nous avons eu samedi avec Yves Boisvert après la parution de son texte. Si nous avions pu lui parler avant la publication de son article, vous auriez appris que la thèse centrale du film est la suivante : « Pourquoi tant de victimes ont cette impression de devoir être parfaites » et non pas « qu’il est presque impossible de faire condamner quelqu’un pour agression sexuelle ».

Le film expose quatre cas de figure dont deux se terminent par une condamnation, un taux fidèle à celui observé devant les tribunaux. Est-ce qu’ils sortent indemnes du processus pour autant ? La réponse est à l’écran. Le parcours des quatre protagonistes est appuyé par les témoignages de 15 experts de tous les horizons. Parmi eux, des sommités dans leur domaine respectif.

Oui, mais Claude F. Archambault ? Controversé ou pas, on ne compte plus le nombre d’accusés d’agressions sexuelles qu’il a fait acquitter au cours de sa longue carrière. Son expertise en contre-interrogatoire est transmise au public sans retenue. Sa liberté de parole est précieuse. Des tactiques de défense qui relèvent de « mythes et de légendes » ? Parlez à des plaignant(e)s qui ont vécu un contre-interrogatoire dernièrement et vous serez vite convaincus du contraire.

MPatrick Davis, maintenant. Redoutable et sans langue de bois. Ça aussi, c’est précieux pour comprendre les rouages d’un système hermétique. En tout, 25 ans de métier. Il a fourni une explication pour les trois causes et assume ses dires. Fin du débat.

Que dire de MIan Gemme, criminaliste, dont les propos si percutants concluent le film, ouvrant les yeux des cinéphiles sur l’aspect systémique des violences à caractère sexuel ?

Du journalisme d’embuscade, vraiment ? Ce n’est pas notre sport préféré. Nous avons d’abord demandé au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) l’autorisation d’accompagner Sophie lors de sa rencontre, accès qui a été refusé. Si cette scène a survécu au montage, ce n’était pas pour coincer qui que ce soit. Le procureur est compétent et juste. Il faut la vivre du point de vue de Sophie, qui apprend si sa plainte est retenue ou non. L’aboutissement de mois d’angoisse extrême, de craintes, de doutes, de pression.

Restons au DPCP. On nous a d’abord dit que les chiffres n’existaient pas. Nous avons donc fait nous-mêmes l’exercice à partir des données obtenues à la suite de demandes d’accès à l’information pour la période de 2014 à 2018. Nous leur avons soumis notre interprétation des statistiques humblement et en toute bonne foi en janvier 2020. Le DPCP a eu un an et demi pour la rectifier. Des statistiques différentes existaient ? Nous les voulions. Il n’en a rien été. Silence radio.

Au lendemain de la première médiatique, le DPCP a trouvé l’énergie de faire ce calcul qu’on demandait depuis si longtemps. Tant mieux et enfin. Vivement plus de transparence, le public en sort gagnant. Et si on ramenait maintenant le débat sur le fond, à l’image des discussions animées, enrichissantes et remplies d’espoir qui suivent les projections du film ?

Ce film n’a pas été réalisé pour décourager les victimes de porter plainte. Il a été réalisé parce que des victimes étaient déjà découragées. Elles ont sifflé leur détresse, et si on les écoutait ?

Rectificatif
Dans la lettre des réalisatrices du documentaire La victime parfaite que nous avons publiée lundi, il était question de MIan Gemme. Contrairement à ce qui était indiqué, l’avocat n’est pas à l’emploi de l’aide juridique, qui compte environ 350 avocats permanents. Cela étant dit, de nombreux avocats de pratique privée acceptent des mandats où ils sont rémunérés par le système d’aide juridique. Nos excuses.

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