Swipe à gauche, swipe à droite, swipe en haut : le catalogue des faces « super oui », « oui » et « ark ». Le catalogue des êtres vivants en quête de bonheurs pas pareils, mais pas compliqués. Ça me rappelle quand je feuilletais le catalogue Sears à l’approche de Noël pour choisir un jouet que j’aimerais. C’était divertissant. Mais aujourd’hui, les jouets sont dans nos écrans. Ils ont un visage, une âme ; ils bougent, parlent, écrivent. Ils ont un cœur à la place de piles. Et il n’est pas rechargeable à vie.

À mon tour de me faire attaquer par cette bibitte qui rend rares et bizarres nos relations humaines depuis plus d’un an. La curiosité et le goût d’essayer, mélangés à cette envie pressante d’une vie à deux m’ont amené à me créer un profil sur les applications de rencontres. Pourtant, je m’exaspère, parce que rien de cette culture de beauté physique ne matche avec qui je suis. Et surtout, je m’exaspère, parce que je cherche l’amour, alors que c’est ce que j’ai le plus autour de moi.

Mais c’est toujours le « on ne sait jamais » qui me pousse à continuer ma fouille. Comme une archéologue qui creuse profond dans le sol, à la recherche d’un trésor jamais découvert par personne. Si prête à trouver, que ça l’obsède. Et toujours déçue. Toujours une roche de plage plate, sans éclat, pas un fossile pantoute. Un jour, elle croit avoir trouvé le jackpot. Le lendemain, excitée, chanceuse, confiante, elle retourne sur les lieux de sa découverte et sa rareté avait disparu. Peut-être parce que quelqu’un d’autre était venu la lui voler. Peut-être parce qu’une tempête de sable l’avait recouverte. Mais elle ne le saura jamais. Son précieux parti comme un coup de vent, sans jamais qu’elle comprenne pourquoi et comment. Après, débinée, elle reprend ses recherches et creuse ailleurs.

Ou encore, notre archéologue n’en finit plus de trouver trésor après trésor, mais une fois analysés au laboratoire, à sa grande surprise de fille naïve, ils ne sont pas ce dont ils avaient l’air. La terre est pleine de petites roches ordinaires et de fossiles bien enfouis. Certains archéologues ne cherchent qu’à les caresser le temps d’un soir, certains les collectionnent, d’autres n’en ont qu’une ou qu’un, qu’ils contemplent et apprécient tous les jours.

Dans notre catalogue de faces rocheuses et fossilisées, rares aussi sont celles qui arrivent à se voir face à face. Parce qu’aussitôt que la première manifeste un peu trop d’intérêt, la seconde disparaît.

Plus facile de se divertir que d’aboutir. Plus facile de se toucher que de s’admirer. Plus facile de liker des fesses, des seins, des gros muscles que de trouver du temps pour se rencontrer. Parce que c’est comme ça. Souvent, nos archéologues qui swipent sont ceux qui ne cherchent pas vraiment, parce que trop occupés.

De plus, chacun des visages de notre catalogue s’accompagne d’une description qui porte souvent sur ce qu’il possède (genre un bateau, un chien, un char de luxe) et non sur ce qu’il est. Chacun se vend comme il peut, avec les attributs qu’il pense être attirants. Chacun teste son charme. Chacun attend que l’autre fasse les premiers pas. Tout le monde matche, mais personne ne se répond.

Continuons de fouiller et d’y croire aussi profondément que les trous qu’on creuse comme nos archéologues. Continuons de parcourir nos visages, sans tourner des pages. Et n’oublions pas que toutes ces faces faites de roche n’ont pas des cœurs de pierre.

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