Il faut bien admettre que le projet de loi n96 (Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français) est un coup de maître du ministre Jolin-Barrette.

Le projet de loi, qui propose de formellement inscrire l’existence de la nation québécoise avec le français comme seule langue officielle dans la Constitution du Québec, et donc aussi dans la Constitution canadienne, vient même de recevoir la bénédiction de la Chambre des communes (281 pour, 2 contre, sur la motion à cet effet déposée par le Bloc québécois).

Que des députés libéraux du Québec issus de circonscriptions à majorité non francophone se soient abstenus n’a rien d’étonnant. Il ne s’agit pas moins d’une victoire indiscutable, quoiqu’en partie symbolique, pour la nation québécoise et son droit d’affirmer sa singularité à l’intérieur du Canada.

Qui suis-je donc pour critiquer le projet de loi 96, d’autant plus que ma critique ne porte que sur un mot, une chiure de mouche, comme dirait l’autre ? Or, depuis le dépôt de la loi, la présence du préfixe « seule » devant « langue » me chicote. Est-ce que je suis le seul à avoir cette réaction ? En laissant de côté le caractère pléonasmique de la formule, ça ne fait pas très élégant. Mais, ce n’est pas là le cœur de mon propos.

Je comprends bien que le but de formellement statuer que « le français est la seule langue officielle du Québec (article 90Q.2) » est de donner plus de force à l’affirmation. Je ne suis pas linguiste ; mais ma réaction est exactement le contraire. Elle en affaiblit la portée.

Tout d’abord, sur le plan des perceptions, l’addition de « seule » fait petit, un aveu indirect de faiblesse. Cette langue n’est pas très forte si ses défenseurs ressentent le besoin d’ajouter le qualitatif « seule ». Or, soyons directs : le français est la langue officielle du Québec ou elle ne l’est pas, point à la ligne. Pas besoin d’ajouter un qualificatif. À mes yeux du moins, le dire sans qualificatif est plus affirmatif qu’avec.

Je comprends aussi que les auteurs du projet de loi voulaient clairement signaler que l’anglais, langue officielle au niveau fédéral, n’est pas la langue officielle du Québec. Mais, dans les faits, cela ne change rien au statut de l’anglais, langue de facto plus forte sur plusieurs plans, et de l’obligation morale et historique de respecter les droits de la minorité anglophone.

Le paradoxe, en collant un qualificatif à une langue (en principe ici pour la renforcer), on finit sans le vouloir par réhabiliter d’autres langues. D’accord, le français est la seule langue officielle, mais cela laisse entendre (non ?) qu’il y a aussi d’autres langues au pays, assorties d’autres qualifiants : la langue commerciale, la langue scientifique, ou encore des langues minoritaires (dont l’anglais), des langues protégées, des langues régionales, etc,. sans oublier les langues autochtones, qui ont droit de cité au Québec comme langues administratives et langues d’enseignement.

Je ne suis pas, non plus, juriste ; mais le qualificatif « seule » ouvre, me semble-t-il, une belle porte aux contestataires. À bien y penser, les députés libéraux récalcitrants se trompent. Ils auraient dû être parmi les premiers à appuyer la loi 96 et la motion du Bloc québécois…

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