On les appelle caminantes : les marcheurs, les marcheuses aussi, plus nombreuses ces dernières années. Ces milliers de femmes et d’hommes qui quittent le Venezuela à pied pour fuir la pauvreté et la violence sont la facette la plus troublante d’une crise économique et politique qui a déraciné plus de 5,6 millions de personnes depuis 2015. La plupart partent vers les pays voisins, la Colombie notamment. Ces exilés franchissent jusqu’à 3000 km pour rejoindre un proche parti avant eux, ou simplement dans l’espoir de réussir ailleurs à se nourrir et subvenir à leurs besoins de base, loin de l’hyperinflation et des pénuries.

Ces dernières années, le terme caminantes s’est popularisé au même rythme que se déroulait ce triste exode. Un groupe de salsa montréalais a même composé une chanson qui raconte leur histoire*. Et si la pandémie a écarté un temps les projecteurs médiatiques de leur situation, cette dernière ne s’est pas améliorée.

Le froid et la fatigue

Les migrations du Venezuela vers la Colombie et inversement ont toujours existé. Ces dernières années cependant, le phénomène a pris un sens unique et s’est intensifié alors que croissaient côté vénézuélien le chômage et l’effondrement des services publics.

La plupart des caminantes que j’ai rencontrés en Colombie ne connaissaient rien du climat ou des obstacles qui les attendaient le long de la route. Leurs vêtements, adaptés aux températures tropicales de leur lieu d’origine, n’étaient faits ni pour marcher longtemps ni pour affronter les températures sous zéro des points les plus élevés de la route menant vers l’intérieur de la Colombie. Les haltes de fortune, mises sur pied par des habitants dévoués bien avant les efforts des organisations de coopération internationale, offraient aux marcheurs épuisés des chaussettes, des pansements, de l’eau, un repas, des couches pour les bébés et du matériel d’hygiène menstruelle.

Femmes et filles face aux dangers

Aux femmes et adolescentes, on remet aussi des contraceptifs, et surtout de l’information sur les risques présents le long de la route. Car dans ce pays où le conflit armé demeure incandescent, les femmes et jeunes filles migrantes, sans papiers de séjour, et donc d’autant plus vulnérables, sont la cible de nombreux abus : extorsion, viols, recrutement forcé par des groupes armés.

Selon une étude récente sur la féminisation de la migration vénézuélienne, la stigmatisation sexuelle est la première crainte de celles qui quittent le Venezuela.

Elle se superpose aux réactions xénophobes qu’essuient les Vénézuéliens réfugiés à travers le continent, particulièrement en temps de pandémie où l’étranger est trop souvent perçu comme facteur de propagation du virus.

Combattre l’indifférence

Le vendredi 17 juin prochain se tiendra la seconde Conférence internationale des donateurs en solidarité avec les réfugiés et les migrants vénézuéliens, organisée par le Canada. Cette rencontre virtuelle sera l’occasion pour les gouvernements bailleurs de présenter leurs engagements financiers en appui aux pays voisins du Venezuela (des pays dont les ressources étaient déjà limitées avant d’accueillir les migrants en grand nombre).

Nous appelons les bailleurs de fonds gouvernementaux, dont le Canada, à augmenter leur soutien financier à l’action humanitaire et à s’assurer que celui-ci arrive directement aux organisations de la société civile qui fournissent 90 % de l’aide sur place, mais n’ont reçu jusqu’ici que 8 % des sommes nécessaires à leur mission. Ce soutien à la santé, l’éducation et l’intégration des exilés dans les pays d’accueil doit s’accompagner d’une aide tout aussi essentielle dans leur pays d’origine, où la crise perdure. La route des caminantes vénézuéliens comporte déjà assez d’obstacles. N’y ajoutons pas celui de l’indifférence.

Caminantes, du groupe Lengaïa Salsa Brava

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