Comme elle l’a fait dans le passé, la métropole doit lancer un nouveau grand chantier en habitation. Dans ce premier volet, André Lavallée propose des lignes directrices.

Depuis quelque temps, nous revivons les problématiques que l’on a connues dans les années 70 et 80 à Montréal sur le plan de l’habitation : la rareté des logements abordables, des augmentations de loyer abusives, le recours à des listes noires de locataires, des opérations de rénovations visant à augmenter considérablement le revenu d’un immeuble, le recours systématique à la surenchère pour gonfler le prix des unités vendues et le reste.

Le marché s’est emballé, il n’arrive plus à s’autoréguler et à répondre aux besoins d’une portion de plus en plus importante de la population. Selon le dernier rapport de la Banque du Canada, les prix de ces logements ont augmenté globalement à l’échelle canadienne de 23 % par rapport à l’an dernier. Pour ceux qui sont dans le besoin, et ils sont nombreux, c’est ça, une crise du logement.

On nous rétorque que le taux de vacance a augmenté récemment, mais c’est temporaire : les étudiants sont absents et les touristes ne sont pas de retour.

On nous fait aussi valoir que la « crise » ne touche pas que Montréal, que la situation est beaucoup plus difficile à Toronto ou à Vancouver, en oubliant de mentionner que les marchés sont là aussi en surchauffe.

Inutile de chercher longtemps pour constater que beaucoup de familles et de personnes seules n’ont plus les moyens de demeurer dans les quartiers centraux de Montréal, en location et même comme propriétaires.

Il faut aussi parler de la qualité des logements. S’il est une chose que la pandémie a démontrée, c’est que certains quartiers sont touchés plus que d’autres. Et pour cause : la population de ces secteurs, des travailleurs pauvres issus pour la majorité de familles nombreuses, vit entassée dans des logements d’une autre époque, mal conçus, trop petits, pas entretenus et très chers, dans des milieux de vie déficients.

La Ville de Montréal a des outils limités : l’habitation communautaire qu’elle privilégie permet certes de combler des lacunes importantes du marché privé et de répondre de façon adaptée aux besoins des personnes à faible revenu, ou ayant besoin de soutien. Pour cela, elle peut mettre à contribution les gouvernements et leurs programmes. Elle dispose aussi de plusieurs avantages indéniables : l’apport des entreprises d’économie sociale (OBNL, coopératives d’habitation, groupes de ressources techniques, fonds d’investissement) qui ont développé ici une façon de faire efficace et une expertise irremplaçable qui ont fait leurs preuves, des communautés prêtes à se mobiliser, des fonds d’investissement consacrés aux logements abordables et plusieurs promoteurs privés expérimentés ouverts à des projets mixtes.

La Ville ne contrôle pas le marché privé, non plus que les relations entre les propriétaires et les locataires. Les problèmes d’itinérance et les difficultés des personnes en situation précaire relèvent, on semble l’avoir oublié, de la compétence du gouvernement et non de la Ville.

La Ville est allée aussi loin qu’elle le pouvait. Elle a augmenté les inspections. Elle a adopté un règlement pour obliger les promoteurs à contribuer au développement du logement social ; mais il ne s’applique que sur le territoire de Montréal, ce qui démontre une fois de plus que Montréal a peu de prise sur les grandes dynamiques régionales.

Que faire ?

À la fin des années 70, alors que Montréal se dépeuplait, le président du comité exécutif Yvon Lamarre avait lancé l’Opération 20 000 logements, qui a finalement inclus une part significative de logements communautaires et permis des réalisations remarquables.

En 1982, Louis Laberge propose Corvée Habitation, soit la construction de 50 000 nouveaux logements, un objectif qui avec l’appui du gouvernement a été dépassé dès décembre 1983. Même si beaucoup d’unités ont été construites en banlieue, la Ville de Montréal en a également profité.

Au début des années 90, l’administration du maire Jean Doré lançait avec succès une série d’opérations urbaines visant des sites importants, notamment les faubourgs du centre-ville.

En 1996 et en 2001, le gouvernement Bouchard a investi des sommes considérables en habitation communautaire dans le cadre de ses plans de relance de l’économie.

Le moment est venu de se retrousser à nouveau les manches et de mobiliser tous les intervenants pour lancer un nouveau grand chantier en habitation pour la métropole.

On ne devra pas faire n’importe quoi, cela va de soi :

  • il faudra s’entendre pour chaque site sur un certain nombre d’objectifs et critères ;
  • prévoir la construction de nouvelles unités, mais aussi la rénovation des immeubles existants et quand cela s’y prête, densifier intelligemment ;
  • favoriser la mixité sociale et la mixité de fonctions ;
  • s’assurer que les projets s’intègrent dans leur voisinage et contribuent au renforcement des artères commerciales ;
  • intégrer les équipements existants ;
  • encourager la qualité du milieu bâti et de l’architecture.

Identifions rapidement la bonne formule pour nous entendre sur les conditions de succès de l’opération. L’économie et l’habitation vont de pair. Ce chantier devra faire partie intégrante du plan de relance de l’économie sur lequel les gouvernements planchent déjà.

* André Lavallée a été responsable du premier plan d’urbanisme de Montréal et du premier plan de transport de l’agglomération, ainsi que secrétaire général adjoint du gouvernement du Québec pour la métropole.

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