Il n’y a aucun doute, notre communauté a été parmi les plus touchées par cette pandémie.

Rappelons d’abord que c’est au cœur de ses villes que le Canada a été le plus durement frappé par la COVID-19 : alors que les 20 plus grandes villes du pays accueillent 42 % de sa population, elles ont subi 62 % des cas et 64 % des décès causés par la pandémie. En outre, Montréal et Laval se situent en haut du classement national des cas et des victimes dénombrés par tranche de 100 000 habitants, nous apprend aussi une étude récente de l’Institut urbain du Canada.

En parallèle, nous savons maintenant que les quartiers montréalais où la transmission communautaire est la plus élevée sont aussi ceux où l’expansion de la couverture vaccinale est la plus lente.

Il s’agit d’une cruelle ironie où les moyens – en dépit du travail immense de celles et ceux qui les déploient – n’arrivent pas à répondre aux besoins les plus criants.

Cet enjeu est alimenté par un autre, bien plus complexe : celui de la pauvreté et de l’exclusion. En effet, ces quartiers où la pandémie fait des ravages sont aussi parmi les plus défavorisés : Montréal-Nord, Parc-Extension, Saint-Michel… On y retrouve aussi les secteurs les moins bien nantis de Côte-des-Neiges, de Centre-Sud, d’Hochelaga-Maisonneuve, de Lachine et de LaSalle. Ces quartiers accueillent aussi des populations diverses, immigrantes ou racisées, pour lesquelles les obstacles linguistiques ou culturels complexifient les efforts de prévention et de vaccination.

Pour ces populations déjà fragilisées par les impacts de la pandémie, qui se sentent isolées ou marginalisées, il peut être difficile de faire confiance aux autorités publiques au moment de se faire dépister ou vacciner.

Ce phénomène a été largement documenté aux États-Unis, où les populations noires et hispaniques – bien que touchées disproportionnellement par la pandémie – demeurent plus réticentes à se faire vacciner. Considérant les abus historiques et les barrières systémiques vécues par ces communautés, y compris dans le système de santé, cette méfiance est compréhensible. Et maintenant, nous savons que le même mécanisme est à l’œuvre chez nous. Pourquoi ? Parce que les facteurs qui augmentent le risque de transmission de la COVID-19 sont les mêmes partout : emplois précaires, logements inadéquats, manque d’accès aux services publics, discrimination, etc.

Pour sortir de la pandémie, il faut que la vaste majorité des Québécois soient vaccinés, et pour cela il est crucial que les populations les plus affectées soient protégées.

Heureusement, des solutions existent. À Toronto, tous les adultes de 18 ans et plus résidant dans les codes postaux les plus touchés peuvent maintenant être vaccinés. À Philadelphie, un groupe de médecins noirs a mis sur pied une clinique de vaccination 24 heures pour leur communauté.

À Montréal, ce sont les organisations communautaires qui entrent en scène. Pour les membres du Consortium COVID Québec, ces acteurs locaux sont le fer de lance de la riposte contre la COVID-19. Mieux que quiconque, ces intervenants connaissent le terrain et la population qu’ils desservent. Ils sont les mieux placés pour offrir un soutien adapté aux plus vulnérables, lutter contre la désinformation, accroître l’acceptabilité sociale des mesures sanitaires et des vaccins, et (re)bâtir la confiance qui nous permettra d’avancer. Ces équipes de terrain travaillent de pair avec les CIUSSS, la Santé publique et la Croix-Rouge, et ont déjà joué un rôle clé dans le succès de plusieurs cliniques de vaccination éphémères dans des quartiers ciblés. Ce travail doit s’intensifier.

La mobilisation des réseaux communautaires existants et la concertation avec les autorités publiques, par la base plutôt que par le sommet, ont prouvé leur efficacité et leur rentabilité. La prestigieuse revue médicale The Lancet notait récemment qu’il s’agit de l’une des meilleures stratégies pour réduire « l’hésitation vaccinale », qui ralentit l’effort collectif contre la COVID-19. C’est pourquoi, afin de renforcer l’effort de l’État, le Consortium soutient financièrement ces acteurs locaux dans chacun des quartiers participants. C’est ainsi que nous pourrons faire en sorte que l’aide se rende auprès de celles et ceux qui en ont le plus besoin, au bénéfice de notre communauté tout entière.

* Cosignataires, membres du Consortium COVID Québec : Stephen A. Jarislowsky, président de la Fondation Jarislowsky ; Jean-Marc Mangin, président-directeur général de Fondations philanthropiques Canada ; Andrew Molson, président de Fondation Molson ; Claude Pinard, directeur exécutif de la Fondation Mirella et Lino Saputo. Tasha Lackman est vice-présidente, philanthropie et communauté, de la Fondation du Grand Montréal ; Claire Trottier est membre du conseil d’administration de la Fondation familiale Trottier.

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