Depuis quelques semaines, le gouvernement Legault semble lancer des ballons d’essai à gauche et à droite afin de planifier l’après-pandémie. Difficile de lui reprocher ! La chute de l’activité économique qui a suivi les efforts de distanciation physique est l’une des plus rapides et prononcées des deux derniers siècles. Le stress financier que la pandémie a imposé aux familles québécoises suscite un désir tout à fait normal de rattraper le terrain perdu.

Jusqu’à maintenant, les ballons d’essai se ressemblent tous : l’État veut choisir des entreprises innovantes et leur offrir un traitement de faveur afin de les encourager. Dans les mots du premier ministre, il faut encourager « la nouvelle économie ».

La logique utilisée voudrait que ces secteurs puissent constituer une locomotive qui traînera le reste de l’économie à la hausse. Le gouvernement espère qu’en choisissant les bons secteurs, la croissance économique sera plus rapide.

Laissons de côté la platitude générique du terme de « nouvelle économie » puisque l'expression revient de manière récurrente depuis les années 1950. Est-ce la bonne manière de relancer l’économie après la pandémie ? L’histoire semble indiquer le contraire.

Il faut comprendre qu’une pandémie est un choc qui fait dérailler la quasi-totalité des plans des entrepreneurs et des consommateurs. À la suite de ce choc, ces plans doivent être réexaminés afin de s’ajuster aux nouvelles conditions. Pratiquement, il s’agit d’un processus de découverte qui nécessite un grand degré d’expérimentation.

Il vaut mieux décentraliser ce processus et laisser les gens essayer un vaste éventail de solutions afin de trouver celles qui sont adaptées à leurs besoins. Par processus d’élimination et de bricolage (et de réplication et d’adaptation des efforts des autres), les différents acteurs économiques finissent par opter pour la solution qui permet leur prospérité.

Afin d’expérimenter, cependant, il faut que les entrepreneurs aient une grande marge de manœuvre. Il faut éviter de leur mettre des bâtons dans les roues. Plus leurs efforts entrepreneuriaux rencontreront d’obstacles et de coûts réglementaires, et plus les résultats de ces efforts sont amoindris par une lourde taxation, plus il sera difficile d’accélérer la sortie de crise.

Dans deux articles scientifiques publiés dans le Southern Economic Journal et le Contemporary Economic Policy, j’ai revisité la performance des économies de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à la suite des grandes pandémies de l’histoire moderne afin de savoir si les économies les moins réglementées étaient celles qui ont le moins souffert durant ces pandémies.

Au cours des six pandémies qui ont eu lieu entre 1857 et 2010, on remarque que la mortalité excédentaire a un effet négatif très clair sur la croissance économique. On remarque aussi, cependant, que les économies les moins réglementées sont celles qui ont subi les chocs les plus modestes. L’effet de mitigation d’une réglementation plus légère était particulièrement puissant durant la pandémie de grippe espagnole en 1918 – la plus meurtrière du XXsiècle.

La flexibilité offerte aux entrepreneurs dans ces économies leur a permis de s’adapter plus facilement, et d’amoindrir les dommages socio-économiques découlant d’une de ces pandémies.

L’idée voulant que l’État soit capable d’imiter ce processus d’expérimentation et d’obtenir des résultats similaires est difficile à soutenir. Lorsque l’État adopte un plan, on parle d’un plan au singulier. Tous les œufs vont dans le même panier. Une erreur et tout est perdu. Par contraste, le processus d’expérimentation entrepreneuriale – par vertu de sa décentralisation – permet d’essayer plusieurs solutions en même temps. En prime, ce processus décentralisé crée des boucles de rétroaction permettant d’apprendre des échecs personnels (et de ceux d’autrui) et de s’ajuster plus rapidement.

Il est donc dur de croire que le premier ministre et son équipe, même en leur attribuant les intentions les plus nobles, soient capables d’obtenir la meilleure relance en choisissant une poignée de champions économiques.

Il vaudrait mieux adopter un plan qui élimine les barrières empêchant les différents acteurs économiques d’expérimenter et d’innover. En quelque sorte, il faut permettre une relance venant de la base, et non des hautes sphères de la finance gouvernementale.

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