Jean Charest avait exprimé sa volonté de se présenter comme chef conservateur en 2020, mais après une brève campagne exploratoire, il a vite compris qu’il n’était plus le bienvenu dans le nouveau Parti conservateur.

Avec le Parti conservateur du Canada sur le point d’amorcer son congrès annuel, la popularité du chef Erin O’Toole – qui faisait déjà du surplace depuis le début de son mandat – commence maintenant à couler vers le fond. Les derniers sondages révèlent qu’il est encore moins populaire que son prédécesseur, Andrew Scheer, qui avait pourtant laissé la barre si basse qu’elle foulait presque le sol.

À moins d’un revirement spectaculaire, M. O’Toole doit se résigner à finir sa carrière de chef à Stornoway. Certains membres du Parti conservateur commencent déjà à penser au prochain chef pour battre Justin Trudeau.

Cependant, il y a un an à peine, les membres de ce même parti avaient une occasion en or de choisir un chef qui était fait sur mesure, avec la popularité nécessaire pour devenir premier ministre… mais les conservateurs issus de l’aile du vieux Reform party se sont mobilisés pour barrer son chemin.

Souvenons-nous que Jean Charest avait exprimé sa volonté de se présenter comme chef conservateur en 2020, mais après une brève campagne exploratoire, il a vite compris qu’il n’était plus le bienvenu dans le nouveau Parti conservateur, sous le contrôle de militants de plus en plus intransigeants.

Dommage. Le Parti conservateur a déjà été une force politique au Québec et au Canada, à l’époque de Brian Mulroney. Tellement puissante était la marque conservatrice au Québec durant cette époque qu’elle était capable de recruter des vedettes montantes, comme Lucien Bouchard et Jean Charest, qui ont tous deux occupé avec grand succès la fonction de ministre de l’Environnement. Mais aujourd’hui, ces anciens progressistes demeurent sur la liste noire de bien des conservateurs.

« Pas Jean Charest »

En 2010, j’ai assisté à une réunion du bureau du premier ministre pour discuter des résultats de la conférence sur le changement climatique, à Copenhague. Mon collègue, qui venait de revenir du Danemark, devait faire un bilan de la conférence, mais avant de commencer, il voulait discuter d’un sujet qui le perturbait : il y avait des rumeurs qui circulaient que Jean Charest voulait éventuellement remplacer Stephen Harper comme chef du Parti conservateur.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Jean Charest en 2018

M. Charest, premier ministre du Québec à l’époque, s’était lui aussi rendu à Copenhague, où il n’avait pas ménagé Stephen Harper en critiquant vertement ses politiques environnementales et en tirant à boulets rouges contre les cibles proposées par Ottawa, qu’il jugeait trop timides. Mon collègue, qui en a gardé un vif souvenir, a alors pris la parole : « Oh my God ! Je ne veux jamais voir cet homme devenir chef du Parti conservateur ! » Et de se lancer dans une logorrhée de cinq minutes pour nous avertir qu’il fallait tout faire pour l’empêcher de devenir chef. Son propos a été bien reçu par la majorité de mes collègues anglophones dans la salle, dont beaucoup (mais pas tous) étaient issus du Reform party, l’aile droite du Parti conservateur.

Jean Charest, pour sa part, relevait de la branche « Brian Mulroney » et, selon beaucoup de mes collègues, cette branche était si pourrie et corrompue qu’elle devait être amputée et réduite en cendres. Une fois, j’avais fait l’erreur en réunion de dire que Jean Charest et Brian Mulroney étaient des conservateurs, mais je me suis vite fait reprendre par un haut conseiller de Stephen Harper qui m’a dit de façon très directe : « Charest et Mulroney ne sont pas de (vrais) conservateurs. »

De moins en moins d’eau dans le vin

Quand le nouveau Parti conservateur est venu au monde en 2004, les clans progressistes et du Reform party ont choisi de mettre de l’eau dans leur vin et d’accepter l’union plutôt que de subir un autre 10 ans de règne libéral.

La réconciliation a été difficile, mais ils ont réussi à offrir une solution de rechange crédible aux Canadiens. Aujourd’hui, l’entêtement du parti l’empêche de prendre de bonnes décisions.

Jean Charest aurait été un candidat idéal pour défaire Justin Trudeau, mais il faut croire que les éléments plus intransigeants du Parti conservateur préfèrent être dans l’opposition et chialer contre Trudeau plutôt que de gagner des élections. Si les membres du Parti conservateur qui se réunissent en congrès cette semaine sont incapables de faire leur bout de chemin, ils vont devoir endurer Justin Trudeau comme premier ministre pour des années à venir.

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