Si je me casse une jambe, je m’en vais sans hésiter aux urgences. Si je suis en détresse émotionnelle, je ne veux absolument pas y aller… Est-ce normal, docteur ?

La pandémie nous renvoie à notre miroir. Seuls face à nous-mêmes. Plus de distractions pour éviter de ressentir ce qui nous fait défaut ou encore ce qui nous fait peur. La détresse psychologique est associée à la maladie mentale. On parle d’un dérèglement biochimique… que l’on traite avec des médicaments. La chimie a bon dos, mais elle n’explique pas tout.

On nous dit d’apprendre à vivre avec le diagnostic qu’on nous accole plutôt que de nous enseigner à découvrir les ressources qui nous habitent : nos anticorps naturels, nos antidotes personnels.

La peur engendre la méfiance, un mouvement de crispation et de fermeture. La confiance génère l’ouverture, la détente. L’antidote à la peur est donc la confiance. Le système de santé mentale fait tout le contraire… il ne sait pas soigner. La pandémie a mis en lumière toutes ses lacunes.

Quand la porte d’entrée de la maladie mentale est la psychiatrie et que pour y être admis, il faut être en crise majeure…

Quand on sait l’accueil formaté, froid, presque hostile teinté de peur que l’on fait aux êtres qui y entrent, notre société a un problème. Imaginez : vous avez peur… on vous sépare des vôtres, on vous questionne, on vous déshabille, on cherche à vous poser un diagnostic pour savoir quelle pilule on vous donnera pour vous calmer. On ne cherche pas à vous connaître, à vous rassurer, on craint les manifestations de votre peur. Or, c’est la dernière attitude à adopter. Être accueilli par quelqu’un de froid qui, sans même prendre le temps de vous connaître, exige que vous vous calmiez, c’est un non-sens. Il m’arrive de penser, tant ce système manque d’humanité, de présence, d’accueil, de chaleur, de temps, de compréhension et de douceur, que cet espace (l’hôpital psychiatrique) devrait au moins servir à des cures de sommeil.

Se déposer

Il y a de nombreuses années, ce traitement existait dans certains hôpitaux psychiatriques. On droguait les gens pour qu’ils dorment… on permettait ainsi à leur système nerveux de se calmer… il y avait des cures médicamenteuses d’une ou de deux semaines, parfois plus, dépendamment de l’ampleur manifeste du besoin de l’individu. On accueillait les patients en leur disant qu’ils se reposeraient, qu’on les aiderait à se déposer, ce qui était reçu avec un immense soulagement. Arrêter de penser, se sentir en sécurité, avoir un toit pour s’abandonner, se ressourcer. Une fois l’accalmie du système nerveux… on pouvait commencer le travail de conscience, c’est-à-dire remonter à l’origine du déséquilibre pour le comprendre… À mon grand désarroi, ça n’arrivait malheureusement jamais… les patients n’y étaient pas conviés. Ils allaient mieux, ils pouvaient retourner chez eux… jusqu’à la prochaine crise ? Aujourd’hui, on ne les garde même plus.

Tant que la peur régnera en maître, tant que nous n’enseignerons pas la santé mentale et comment guérir de son déséquilibre, nous resterons des victimes et le système n’évoluera pas.

La maladie mentale n’est pas une tare héréditaire dont il faut se méfier. Chacun a en lui les ressources pour se connaître, pour rétablir l’équilibre si on lui en donne la possibilité. Mon expérience, en plus de 40 ans de pratique, me le confirme. Nos histoires sont uniques, elles ont besoin d’être reconnues et détricotées pour que nous les démêlions. Ce n’est pas un vice, ça s’apprend.

Que fait-on de nos épreuves ? Nous en restons victimes, nous devenons des agresseurs, ou encore nous évoluons grâce à elles ? Moi, je crois que c’est en acceptant d’apprendre d’elles que nous réformerons le système. Vivement que cette confiance en l’humain soit propagée.

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