Notre réseau de services de garde éducatifs vit une crise. Une autre. Cette nouvelle crise couve depuis trop longtemps et se présente sous la forme d’enfants et de parents inscrits sur une liste d’attente qui ne cesse de s’allonger.

Les parents s’inscrivent à ce fameux guichet unique avec la triste conviction qu’ils ne trouveront pas de place (en dérision, une mère offre sur Twitter un de ses reins en échange d’une place). Non seulement les places se développent au compte-gouttes, mais les responsables de services de garde en milieu familial ferment en même temps boutique par centaines. Et pour ajouter au portrait, le manque d’éducatrices en installation est de plus en plus criant alors que les inscriptions dans les programmes de formation en techniques d’éducation à la petite enfance sont en diminution constante. Crise majeure.

Le ministre de la Famille qui s’était engagé à créer 13 500 places se rend à l’évidence qu’il n’y arrivera tout simplement pas et annonce du même coup une vaste réforme du système de services de garde éducatifs pour l’automne, livre blanc et révision de la loi à la clef. Les oppositions se gaussent de cette proposition et demandent des actions immédiates. La bureaucratie tatillonne et rigide dans l’application des règles est pointée du doigt. Trop de paperasse, trop d’exigences, trop de trop. Passer de 17 étapes pour la création d’une place en service de garde à 8, 10 ou 12 peut se faire à coups de règlements, de corrections logistiques. Le ministre doit s’y consacrer et le plus vite possible. C’est évident. Mais, au-delà de ces manœuvres immédiates, il y a, comme le ministre le propose, le besoin d’examiner tout ce qui ne tourne plus rond dans un système que nous avons si vaillamment adopté comme société il y a près d’un quart de siècle maintenant.

Le bien-être des enfants au centre de la solution

Pour arriver à quelque chose qui a tout son sens, il faut replacer sans compromis le développement et le bien-être des tout-petits au début, au centre et à la fin de cet examen. Et, pour commencer, il nous faut repartager un constat : plus du quart des enfants de cinq ans présentent une vulnérabilité dans leur développement lorsqu’ils amorcent leur parcours scolaire en maternelle. C’est ce que nous révélait, on s’en souviendra peut-être, la dernière Enquête sur le développement des enfants en maternelle (EQDEM) complétée en 2017 et touchant près de 84 000 enfants. Ces résultats sont à peu de choses près les mêmes que ceux obtenus 5 ans plus tôt dans les mêmes circonstances et avec le même outil de mesure. On peut certes se réjouir que les trois quarts de nos jeunes enfants ne présentent pas de vulnérabilité. Ce qui inquiète cependant, c’est que la proportion d’enfants aux prises avec au moins une vulnérabilité ne bronche pas.

Ce seul constat devrait nous amène à poser la question suivante : pourquoi, alors que nous invertissons des sommes considérables dans les services de garde éducatifs, n’observe-t-on pas une amélioration dans ce pourcentage des enfants qui présentent une vulnérabilité alors qu’ils entament leur parcours scolaire ?

La réponse à cette question tient sans doute en grande partie à ce que les enfants qui pourraient profiter le plus d’un environnement de garde éducatif de qualité y sont moins présents que les autres. C’est archiconnu. Ces enfants, selon qu’ils ont fréquenté ou non un service de garde éducatif font pourtant toute la différence dans les statistiques de vulnérabilité à la maternelle. Exemple : 50 % des enfants de milieux très défavorisés présentent une vulnérabilité à la maternelle s’ils n’ont pas fréquenté un service de garde contre 32 % chez ceux qui s’y sont retrouvés (EQDEM, 2017). Voilà un enjeu majeur ; mais ce n’est pas le seul.

Nous nous éloignons depuis de trop nombreuses années de l’accessibilité universelle des services de garde québécois de qualité naguère au centre du projet. Les chiffres ne mentent pas. Nous ne pouvons prétendre à l’accessibilité universelle à un système de service de garde éducatif et de qualité alors que la liste d’attente dépasse les 50 000, que les tarifs même réduits sont encore un obstacle pour des dizaines de milliers de parents, que les distances à parcourir sans transports collectifs représentent toujours un défi en région, que les places de qualité se développent selon la capacité inégale des communautés à se mobiliser pour les créer, que depuis 2005 les places se sont davantage multipliées dans des services de garde de moins grande qualité.

Le temps est venu d’examiner sérieusement comment nous pouvons donner un second souffle à ce grand projet que nous avons naguère offert à nos tout-petits. Cet exercice doit être férocement inspiré d’abord et avant tout par le développement de tous nos enfants. C’est le plus important des chantiers post-pandémiques que nous puissions tenir.

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