Aujourd’hui, je suis triste. Mon ami Max est décédé. À sa demande, je lui ai parlé il y a quelques jours alors qu’il était sur son lit d’hôpital aux soins palliatifs de l’Hôtel-Dieu de Québec. Sa voix était faible, mais il avait encore toutes ses capacités mentales, sa mémoire phénoménale et son humour sarcastique. Il était prêt pour le grand voyage et il considérait avoir vécu pleinement et longuement sa vie et sa responsabilité d’ambassadeur au Québec, au Canada et dans le monde de la nation huronne-wendat qu’il a chérie plus que tout, mais aussi des Premières Nations d’ici qui l’avaient adopté comme conseiller et ami, particulièrement la nation innue.

Durant de nombreuses années, j’ai été son rédacteur de discours, de mémoires et de textes publiés dans divers ouvrages et occasions. Encore récemment, on troquait de la viande d’orignal pour l’écriture d’une préface à publier dans un ouvrage relatif à la famille beauceronne Cliche dont il était un ami, depuis le temps où il trappait le rat musqué le long de la rivière Chaudière. Toujours, il me racontait avec maints détails ses idées sur le sujet concerné et il considérait que j’étais le meilleur traducteur et rédacteur de sa pensée, de son style et de sa simplicité. Il était avant tout un formidable orateur.

Depuis son recul de la vie politique active, moi et ma conjointe innue Caroline arrêtions régulièrement chez lui à Wendake, nous asseoir au bout de la grosse table de bois toujours pleine de dossiers, documents, lettres et coupures de journaux pour discuter, souvent au grand dam de sa conjointe Marie qui nous trouvait quelque peu excessifs, et occasionnellement vulgaires, surtout lorsque cela se terminait par de grands éclats de rire. Nos discussions soutenues concernaient l’histoire des relations pas toujours harmonieuses entre nos peuples et nos gouvernements, le choc de nos nationalismes respectifs, la chasse à l’oie, aux outardes ou à l’orignal, la pêche au saumon dans la grande rivière Natashquan qu’il fréquentait méthodiquement chaque année, les gens qu’il avait connus, l’histoire du Club Triton où il avait été guide, les divers objets de son musée personnel, sa bibliothèque exceptionnelle, etc.

Il m’a refilé sporadiquement ses billets pour des parties de hockey des Nordiques, une outarde ou une oie blanche fraîchement tuée pas trop loin de Sainte-Anne-de-Beaupré ou encore un bon morceau de viande provenant de son élevage de wapitis dans son troupeau de l’Ouest canadien.

Il faut dire qu’il prenait un malin plaisir à me rappeler, de même qu’aux auditoires qui nous côtoyaient, le fait que j’avais cassé l’une de ses plus dispendieuses cannes à moucher le saumon, qu’il m’avait prêtée au bord de la grande rivière Natashquan. J’avais alors fini de sortir un magnifique saumon de 17 livres en tirant à la main la soie qui était toujours restée accrochée à la bête.

Ensemble et avec d’autres, nous avons mis en place le Bureau territorial du Nionwentsio de sa nation, négocié une entente de chasse équitable pour tout le monde, assuré le développement touristique et la construction d’un grandiose hôtel-musée, vidé sporadiquement le bac de moules de son ami chinois Tomas Tam et nous sommes obstinés jusqu’à l’usure mentale concernant le véritable tsunami médiatique provoqué par sa déclaration devant des millions de téléspectateurs d’une émission française de grande écoute selon laquelle les peuples autochtones du Canada avaient été l’objet d’un génocide.

Max n’a jamais manqué de participer à mes lancements de livres portant pour la plupart sur les enjeux de société concernant les peuples autochtones. Quand je lui ai fait remarquer que je m’ennuierais de lui après son départ et lui ai demandé qu’il nous téléphone fidèlement comme chaque année à moi et à ma conjointe Caroline pour nous souhaiter une bonne fête, il me répondit qu’il continuerait dans l’au-delà à penser à notre anniversaire et que l’on devrait s’y faire.

Max a été un immense personnage dans sa vie publique et un charmant ami dans la vie privée. Il parlait à tout le monde, petits et grands personnages.

Sans nul doute, sa simplicité, son intelligence, sa perspicacité dans les nombreuses causes qu’il a défendues, son dévouement pour la justice et le respect des Premières Nations et son souci de tenir compte des Québécois resteront éternellement gravés dans nos mémoires.

Merci, grand chef Max, pour ton œuvre, pour ton amitié indéfectible envers les Innus, envers la famille Malec et envers moi.

Entre-temps, avec une larme au bord de l’œil, Caroline et moi transmettons à ta famille proche et à ton peuple nos plus belles pensées, notre amitié et notre engagement dans les valeurs qui nous ont fait vibrer et vivre pendant toutes ces années et qui continueront de nous habiter.

Tiawenk

Ton vieil ami et collaborateur

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