Hier, j’étais sur le premier vol de Sunwing en direction d’un endroit où il existe des palmiers, du soleil, du sable blanc et des vagues d’eau salée. Cette entreprise a fait d’autres vols depuis le 13 mars 2020 fatidique, mais dans le but de rapatrier les délaissés des conséquences de la pandémie.

L’avion était rempli au tiers. Certains étaient craintifs et certains étaient exubérants de cette liberté si désirée. Les visages recouverts de masques fondaient dans le décor aérien comme si c’était une partie corporelle qui avait toujours été. Il n’y a pas eu de faux champagne dans la tradition de Sunwing, mais les dames expertes dans la marche dans les allées entre les nuages nous prodiguaient généreusement des sourires avec leurs yeux.

Moi, j’étais nerveuse. En fait, même si c’est plutôt difficile de l’avouer, ça faisait plus d’un mois que je plongeais jour après jour dans un autre type de nuage. La noirceur. Avec l’automne, la disparition des quais des lacs québécois, le resserrement des consignes sanitaires et une sombre prédisposition à la fragilité maladive du mental, cette noirceur m’a enveloppé de ses grands bras en extirpant les minces possibilités d’espoir de revoir la lumière. Certains d’entre vous diront qu’il y a dramaturgie shakespearienne, exagération cinématographique, mais que celui qui n’a jamais vécu de telles tombées n’ouvre pas la bouche. En tous cas, SVP, pas dans ma direction.

On dit qu’il faut parler. Chercher de l’aide. Que c’est la chose responsable à faire. D’accord. J’ai rendu une visite lugubre à l’hôpital psychiatrique, car je savais que c’est ce qu’il fallait faire.

Là, tu deviens un numéro social défaillant (même s’il ne faut pas généraliser, je vous parle de perceptions qui ressemblent tristement à ce qui est pour plusieurs la réalité). Tu y attends des heures… de vraies heures. Cette fois-là, c’était plus de quatre. Le gardien de sécurité au masque et aux yeux non souriants s’assure que les malades restent bien assis et ne parlent pas trop fort. Tu regardes autour de toi, et souvent tu juges en te disant que certains sont bien pires que toi. Après avoir rencontré une infirmière qui définit si ton cas est urgent, tu attends. Tu attends dans la douleur et dans la honte. Tu finis par entendre ton nom sonner comme si l’espoir et l’aide avaient un son qui puisse retentir. Étant donné que tu n’as pas l’air d’être en état de crise incontrôlable, tu rencontres un omnipraticien et non un psychiatre. Sans nommer de nom, il te dit que la solution est de retourner travailler. Mais…

Voir un psychiatre

Je savais que la situation pouvait devenir plus critique. Il y a de bons côtés à ne plus avoir 20 ans (ou même 40…). J’ai donc insisté. Je veux voir un psychiatre. Ne faut-il pas se responsabiliser ? Savez-vous à quel point il est difficile d’avoir accès à un psychiatre et de le rencontrer afin de pouvoir être aidé le plus vite possible ? Ceci n’est pas dans le but de se plaindre d’un système qui nous permet de profiter d’une assistance médicale gérée par l’interventionnisme de l’État, ceci est dans le but de dire que l’aide de 100 millions qui fut dernièrement octroyée pour des services supplémentaires en santé mentale ne sera pas de trop.

Car dans la société d’image et de performance dans laquelle nous vivons aujourd’hui, ce n’est pas tout le monde qui peut se permettre d’aller chercher de la thérapie ensoleillée ; ce n’est pas tout le monde qui, dans sa liste de contacts, a une connaissance compatissante qui saura l’épauler dans un délire moral ; ce n’est pas tout le monde qui bénéficie d’un entourage qui pourra, ou voudra, le supporter. Car dans la société d’aujourd’hui, d’autant plus confinée, en se servant des FaceTime, des Zooms et des rencontres à pied sur le trottoir (si la température le permet) pour soutirer des contacts humains, il n’est pas nécessaire de détenir un sabre pour avoir besoin de soutien et de stratégie psychique.

Loin de moi l’idée d’affirmer qu’un individu ne peut s’aider soi-même, que l’effort ne vient pas avant tout de la personne elle-même, mais tant qu’à mettre de l’importance sur la déstigmatisation de la santé mentale, il faut aussi insister sur la valeur du soutien professionnel.

Avant de partir, de m’envoler vers ces vagues salées qui disparaissent peu après qu’elles se fracassent, qui rappellent le fait que dans la vie, rien n’est permanent… j’ai finalement rencontré un psychiatre dans un CLSC. Encore une fois, je ne nommerai pas de nom. Après une heure à tenter de trouver les mots justes pour expliquer, pour plaider ma cause… je lui ai demandé si je pouvais obtenir un suivi. Et elle, de me répondre : « Ce n’est pas pour des petites choses comme des dépressions que nous servons. » OK. Les 100 millions seront les bienvenus.

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