Les pertes financières engendrées par la crise actuelle se chiffrent en milliards de dollars et affectent tous les pans de notre société. Le milieu culturel constitue l’un des premiers groupes à avoir été affectés, et tant que la situation liée à la pandémie perdurera, il sera l’un des derniers à pouvoir reprendre normalement ses activités.

Nous, gens d’affaires, avons une longue tradition d’engagement dans les arts et la culture, que ce soit par l'intermédiaire du mécénat direct, de notre travail au sein des conseils d’administration d’organismes ou de la participation active à la vie culturelle de notre société. Nous avons entendu les nombreux appels au bénévolat, à l’entraide et à l’achat local lancés ces derniers mois, et y avons répondu avec nos bras, notre tête et notre chéquier.

Or, sept mois après le début du grand confinement, cet investissement historique en temps, en énergie et en espèces auprès des artistes et des institutions qui nous sont chères est plus que jamais menacé. Ce patrimoine vivant réclame que nous lui renouvelions dès maintenant notre engagement. En effet, l’année 2021 s’annonce à de multiples égards aussi difficile que la précédente, et le milieu culturel a besoin de la prévisibilité des engagements que nous prenons en sa faveur.

C’est aujourd’hui que les grandes œuvres de demain s’écrivent, qu’elles soient théâtrales, romanesques ou musicales.

C’est aujourd’hui que les artistes qui fouleront nos scènes d’ici deux, trois, quatre ans planifient leur retour. C’est aujourd’hui que nos institutions culturelles préparent ce que sera demain notre patrimoine immatériel, qui fera accourir les foules dans nos salles de spectacle, nous émerveillera et nous rendra fiers de qui nous sommes.

Un désert culturel ?

Nous, gens d’affaires associés à la Fondation du CEAD, sommes inquiets que cette lumière qui nous remplit, nous émeut et nous grandit, s’éteigne soudainement, faute de l’avoir entretenue. Depuis mars, de nombreux artistes se sont détournés de leur art – temporairement, espère-t-on. Qu’arrivera-t-il aux autres si nous ne nous tenons pas à leurs côtés pour leur permettre de continuer à transcender notre quotidien ? Et que dire des institutions qui les accueillent ? Existeront-elles encore si nous cessons de les soutenir ? Voulons-nous vraiment nous réveiller dans un désert culturel ?

Les auteurs et les autrices dramatiques, dont les lieux qui accueillent leur parole ont été contraints au silence, ont particulièrement besoin de nous. Plusieurs d’entre eux ont connu une précarisation alarmante de leur statut, et le vivront encore avec la reprise incertaine de la diffusion. Mais ils sont loin d’être les seuls.

Nombre de danseurs, d’écrivaines, de techniciennes de scène, d’éclairagistes, de metteurs en scène, de chanteuses et de musiciens ont vu leurs assises de création, déjà fragiles, s’écrouler.

Il est l’heure de montrer que nous sommes toujours là pour eux.

Nous sommes convaincus que la fiction a un rôle à jouer dans l’apaisement des inégalités sociales que la pandémie nous a cruellement révélées. C’est parce que nous nous sentons redevables de ces artistes qui chaque jour créent cette fiction qui, en retour, nous aide à inventer un monde meilleur et prospère, que nous portons aujourd’hui ce cri de ralliement.

Ne perdons pas notre investissement historique dans les arts et la culture. Renouons dès maintenant avec nos bonnes habitudes de soutenir les institutions culturelles qui à leur tour investissent dans l’imaginaire collectif.

Pour notre part, nous nous engageons à transférer en don à un organisme ou à une association d’artistes la somme que nous aurions investie cette année en billets de spectacles.

Parce qu’un jour pas si lointain, nous pourrons nous réunir, nous embrasser et rêver tous ensemble, en assistant, conquises et conquis, à un même spectacle, dans un même lieu. Ce lieu et ceux qui le font vibrer comptent plus que jamais sur nous, pour perdurer.

* Cosignataires : Jean-Martin Aussant, économiste ; Louis-Félix Binette, directeur général de MAIN Québec ; Elyse Boulet, présidente et associée de Pigeon ; Daniel Chartrand, directeur adjoint au département d’anesthésie de l’Université McGill ; Mylène Forget, présidente de Massy Forget Langlois relations publiques ; Alain Jean, directeur général du CEAD et gestionnaire de sa Fondation ; Carl-Frédéric De Celles, président d’iXmédia inc. et président du conseil d’administration du Théâtre du Trident ; Jean-François Ouellet, directeur administratif du CEAD ; Gabriel Plante, auteur, metteur en scène et président du CEAD ; Olivier Sylvestre, auteur

Mitsou Gélinas est animatrice et cofondatrice du groupe Dazmo ; Claude Breton est vice-président, communications et responsabilité sociale d’entreprise, Banque Nationale.

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