Les recommandations de l’enquêteur Daniel Beaupré ne seront jamais vraiment appréciées, car une grande partie du rapport a été caviardée. Néanmoins, les propositions « publiques » de M. Beaupré vont corriger plusieurs failles sérieuses dans le fonctionnement actuel du conseil d’administration du Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM).

La ministre a raison de revoir la Loi de 1972, mais aussi les règlements généraux qui sont le reflet d’une autre époque en matière de gouvernance : par exemple, les anciens présidents du conseil deviennent des immortels – membre à vie sans droit de vote – au conseil d’administration. Cette dernière mesure illustre la dominance d’une gouvernance traditionnelle dominée par le « old boy’s network ». Oui, environ la moitié des membres sont des femmes, mais le pouvoir se trouve dans les comités, dominés fortement par… des hommes, tous blancs, tous dans la soixantaine avancée et tous professionnels ou gens d’affaires. (L’auteur s’inclut dans ce profil.)

Des changements évidents comme la création d’un comité du conseil sur les ressources humaines et un comité sur la gouvernance et l’éthique ne seront pas suffisants pour garantir une gouvernance « créatrice de valeur »*. Le conseil a besoin de membres « légitimes et crédibles ».

Le gouvernement québécois nomme actuellement 9 des 21 administrateurs. Avec un tel bloc, un actionnaire contrôle une organisation ; il n’est pas tout à fait exact de prétendre que « le gouvernement n’a aucun pouvoir sur le Musée ».

La ministre veut un plan stratégique. Oui, un plan est important, mais plus encore, une vision de ce que doit être le MBAM de 2025. Depuis 14 ans, la directrice générale a développé cette vision claire d’un musée attractif, tant au niveau local qu’international. Le conseil a soutenu cette vision. Avec le départ de Nahtalie Bondil, le conseil devra jouer un rôle plus actif dans cette vision.

En désignant des membres expérimentées et diversifiés, la ministre permettrait de garantir plus d’intégrité et d’indépendance, et d’éviter tout conflit d’intérêts ou de népotisme. La ministre devrait se doter d’un profil de compétence désirée autour du conseil d’administration. Il faut sortir de cette culture élitiste pour amener au conseil des personnes avec de nouvelles idées, familières avec la technologie d’aujourd’hui et représentantes de la diversité des visiteurs du MBAM. Ces nouveaux administrateurs devront recevoir une bonne formation en gouvernance.

Réussite spectaculaire

La ministre veut qu’on lui rende des comptes. McKinsey & Co a préparé en décembre dernier un rapport qui montre la réussite spectaculaire du MBAM, qui score dans toutes les catégories : deuxième musée le plus visité au Canada, 20 expositions temporaires ont voyagé dans 34 villes, revenus autogénérés (54 %), coût par visiteur deux fois plus élevé que la moyenne canadienne, etc. Des données rassurantes qui n’auraient jamais laissé présager de la crise de l’été dernier.

C’est un conseil dynamique composé de personnes d’expérience et d’horizons diversifiés qui offre les meilleures garanties de gouvernance performante. M. Beaupré le dit : « Le conseil a agi de bonne foi », mais « l’ingérence et l’abus d’autorité de la part du c.a. […] peut également avoir des effets néfastes tels saper l’autorité de la direction générale », voilà qui résume bien le dérapage des derniers mois.

Le rapport Beaupré ne consacre que quatre pages au « climat de travail ». Il faut souhaiter que, dans la partie caviardée, M. Beaupré ait fait la différence entre les exigences très rigoureuses, normales pour des événements d’envergure internationale qui en plus doivent rapporter 2 millions de dollars par mois à la billetterie, d’une conservatrice en chef qui parfois dérange certains employés et les démarches inacceptables de certains cadres subalternes qui ont contribué à créer un climat malsain.

M. Beaupré s’interroge sur le rôle au conseil des donateurs et des collectionneurs en invoquant les conflits d’intérêts potentiels.

Est-il souhaitable d’avoir un administrateur omniprésent dans plusieurs comités, responsable de la collection d’un grand groupe financier d’où provient l’ancien président du conseil, contrôlé par une famille associée à la nouvelle directrice de la conservation nommée au terme d’un processus d’approbation qui n’incluait aucun membre de la direction générale du MBAM…

M. Beaupré a raison de vouloir réduire la taille du conseil de 21 à une douzaine de membres ce qui devrait amener l’élimination du comité exécutif, un autre fief dominé par le « old boy’s network ».

La ministre devrait alors bien choisir ses cinq ou six membres et se garder le droit de nommer parmi ceux-ci le ou la présidente ou vice-présidente du conseil d’administration.

Si la ministre veut que le MBAM lui rende des comptes, elle doit d’abord dire ce qu’elle attend du conseil. Quelle est sa vision de l’institution muséale de 2025. Cela pourrait prendre du temps ; voilà pourquoi elle doit envoyer au conseil des personnes capables de redonner un tonus vibrant à cette institution à laquelle les Québécois demeurent très attachés, malgré le terrible gâchis des trois derniers mois.

*Ce modèle, qui a été développé par les professeurs Yvan Allaire et Mihaëla Firsirotu, se retrouve dans les nombreux ouvrages publiés par l’Institut sur la gouvernance.

* Consultez le site de l’Institut sur la gouvernance

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