À entendre certains chroniqueurs radio ou à lire de récents articles d’opinions dans les journaux, on serait porté à croire que désormais, il sera interdit de rouler en auto à Montréal, que notre ville est devenue une ville où le vélo est maître et roi.

On cite souvent, dans l’argumentaire contre les infrastructures cyclables, les problèmes d’accès des personnes âgées ou aux personnes à mobilité réduite. Voire on nous laisse croire que tout le monde devra passer au vélo : comment les personnes âgées feront-elles ? Et le plombier avec tous ses outils ? Et les neuf mois d’hiver, on fera comment ? Et les courses, je les fais comment avec mes quatre enfants ? C’est comme si, du jour au lendemain, on allait obliger tout le monde à passer au vélo et à se débarrasser de son auto.

Cette perception est tout sauf justifiée.

Premièrement, l’aménagement d’infrastructures cyclables en site propre sera bénéfique en tout premier lieu aux personnes les plus vulnérables (du point de vue de la mobilité).

Prenons l’exemple du REV sur l’axe Berri/Lajeunesse/Saint-Denis qui fait tant jaser : l’ajout de traverses piétonnes à mi-îlot, la sécurisation des intersections autour des écoles ainsi que l’apaisement de la circulation amélioreront substantiellement la sécurité des piétons.

Il va de soi que ce genre d’aménagement est plus sécuritaire qu’une route à quatre voies en plein quartier résidentiel.

Uniquement en 2017 et 2018, 95 personnes âgées sont décédées et 141 ont été gravement blessées happées par une auto au Québec (données de la SAAQ). Cette tranche de la population sera la première à profiter de tels aménagements. D’autre part, la séparation des voies automobiles des voies cyclables réduira les conflits souvent à la source de frustrations d’un bord comme de l’autre.

Deuxièmement, en transférant une partie des déplacements vers le transport actif, on libère les voies de circulation aux personnes qui en ont réellement besoin, qu’elles soient à mobilité réduite ou parce que leur métier l’exige.

Une récente étude de Polytechnique Montréal a évalué à 78 % l’espace de voirie dédié à l’auto, 20 % aux piétons, 1,5 % aux infrastructures cyclables et 0,5 % aux transports collectifs.

En partant du principe que le vélo déplace une plus grande quantité d’individus par heure et par km2 de voirie que l’automobile (auto-solo 1600/heure vs piste cyclable 7500/heure, données NACTO), il va de soi qu’un rééquilibrage de l’espace en faveur du vélo aura comme effet de réduire le trafic automobile.

Troisièmement, en opérant un transfert d’un mode de transport lourd vers un mode léger, on réduit drastiquement les coûts pour la société. Les coûts d’entretien des pistes cyclables sont négligeables, les vélos étant beaucoup moins contraignants sur la chaussée que les véhicules automobiles.

D’autre part, l’importation de véhicules et de pétrole pèse lourd dans la balance commerciale : de l’argent qui sort du pays, c’est de l’argent en moins dépensé dans l’économie locale (étude RNCREQ en 2013 : -9 milliards en importation de voitures et VUS, -18 milliards pour le pétrole brut et l’essence).

Le coût pour la société

D’ailleurs, parmi tous les moyens de transport, le vélo et la marche sont ceux qui coûtent de loin le moins à la société selon une étude effectuée à Vancouver (pour chaque dollar investi individuellement, la société doit assumer : 0,01 $ pour la marche, 0,08 $ pour le vélo comparativement à 9,20 $ pour l’auto-solo). In fine, un cycliste finance les infrastructures automobiles sans toutefois les utiliser.

Je vous épargnerai les bienfaits du transport actif sur la santé physique et mentale, l’environnement ainsi que les avantages indéniables pour les commerces sur rue (Bloomberg Citylab).

Pour terminer, on n’est pas soit cycliste, soit automobiliste, soit piéton. On est un peu de chacun à ses heures, selon la destination, l’objectif, la météo, notre propre capacité physique, etc. Que ce soit le métro, le vélo, l'autopartage, sa propre auto ou la marche, chaque moyen de transport peut être utilisé selon les circonstances. Malheureusement, le choix de plusieurs Montréalais est actuellement contraint par les aménagements disponibles et non selon les critères énumérés ci-dessus, d’où l’importance, entre autres, de créer des infrastructures cyclables sécuritaires quatre saisons et de contribuer ainsi à atténuer les problèmes liés à un parc automobile grandissant.

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