Dans la mafia, le baiser de la mort (il bacio della morte) était un mauvais présage. Il signifiait à celui qui le recevait son exécution prochaine. Aujourd’hui, c’est plutôt le baiser de la science qui, avec tous ses impondérables, prend le dessus et met en danger l’habitabilité de notre monde.

Car de cette science jadis admirée par tous nous ne comprenons plus grand-chose… Celle que l’on identifiait comme l’accomplissement du génie humain est aujourd’hui vue par plusieurs comme la grande responsable de l’état déplorable de notre planète. Nous en serions même selon l’astrophysicien Hubert Reeves à la sixième grande vague d’extinction de la vie sur Terre.

Rappelons-nous pourtant l’époque glorieuse et pas si lointaine (1969) où, pour la première fois de l’histoire, un être humain, l’astronaute Neil Armstrong, mettait les pieds sur la lune en s’exclamant… « c’est un petit pas pour l’homme, mais un bond de géant pour l’humanité ! »

Cinquante et un an plus tard, que reste-t-il de ce vaste relent d’espoir ? Pas grand chose ! Disons-le : la science, loin de nous propulser vers le futur nous a plutôt éconduits au bord d’un gouffre, celui de notre disparition ! Et ce n’est pas là une figure de style…

Qu’on se rappelle le peu de cas dont avaient fait part les scientifiques lors des destructions massives d’Hiroshima et de Nagasaki en 1945. Or, ils n’en font pas plus aujourd’hui de l’utilisation des OGM (organismes génétiquement modifiés), des herbicides et des pesticides synthétiques et de tout ce qui détruit les habitats naturels terrestres, destruction dont est d’ailleurs issue la COVID-19. Une COVID, faut-il le dire, qu’ils s’empressent aujourd’hui de combattre comme pour démontrer l’invulnérabilité de leur science…

Car c’est là où, malheureusement, se situe la science aujourd’hui : non plus dans le respect de l’intégralité de la nature, mais dans un monde où, comme disait le physicien atomiste Werner Heisenberg (1901-1976), elle n’est plus confrontée qu’à elle-même et à l’avancée de ses recherches. (La nature dans la physique contemporaine, éd. Gallimard, 1962).

En effet, en établissant au XVIIsiècle le Cogito comme fondement absolu et nécessaire de la connaissance, Descartes consacrait l’idée que tout scientifique était désormais capable, grâce à sa raison, d’atteindre avec certitude la réalité des choses. On parlera alors de la « réalité objective ». (voir : Méditations métaphysiques, éd. Gallimard La Pléiade, 1953, p.253-547).

Selon le logicien-mathématicien Ludwig Wittgenstein toutefois, (1889-1951), la réalité objectivée ne relève pas d’un savoir, mais d’un sujet qui dit savoir, ce qui, selon lui, est bien différent. Wittgenstein affirmera : « Savoir et certitude appartiennent à deux catégories différentes… Ce qui nous intéresse, ce n’est pas d’être sûrs, c’est de savoir. » (De la certitude, éd. Gallimard, 1965, p. 83).

C’est d’ailleurs ici que se rejoignent aujourd’hui recherche fondamentale et recherche appliquée. Avec la technologie grandissante, elles ont désormais un objectif commun : non pas d’abord celui de savoir au sens large du terme, mais plutôt de s’assurer conjointement de la réciprocité de leurs certitudes. Comprenons que de la validité de celles-ci dépend leur financement…

Notons cependant qu’au XVIe siècle, Montaigne avait déjà affirmé que la recherche de certitude n’était nulle autre chose que l’expression de l’état d’incertitude chronique dans laquelle se trouve tout être humain sur Terre. Il écrira : « L’impression de la certitude est un certain témoignage de folie et d’incertitude extrême. » (Les Essais, tome 2, chapitre 12, éd. Gallimard 1965, p.186).

Or, signalons que présentement de nombreux savants sont à la recherche d’exo-planètes, (des planètes possiblement habitables et situées à des années-lumière de nous). Ils espèrent un jour, lorsque la Terre ne sera plus habitable, pouvoir s’y installer… On peut dès lors se demander : pareille recherche d’autres mondes ne participe-t-elle pas de la folie qu’anticipait Montaigne il y a près de 500 ans ?

Alors que, tels des dieux, les scientifiques voguent dans le monde céleste des idées pures, ne serait-il pas temps de leur remettre les deux pieds sur Terre ? À certaines de leurs certitudes théoriques, ne devons-nous pas opposer notre scepticisme quant à leur valeur pour l’avenir de l’humanité ?

Mais entendons-nous : iI ne s’agit pas ici de s’en prendre indument à la science, mais plutôt de faire une mise en perspective. C’est ainsi seulement qu’on saura éviter les nombreux écueils que la science a semés sur sa route ces dernières années et dont nous payons tous âprement le prix aujourd’hui…

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