Le 21 septembre, le système judiciaire aura l’occasion de démontrer qu’il prend au sérieux les agressions subies par les femmes.

En effet, Benoit Cardinal, accusé en janvier dernier d’avoir tué sa conjointe, Jaël Cantin, alors que leurs six enfants dormaient dans la maison, s’adressera à la cour pour demander d’être remis en liberté en attendant son procès. L’éventualité d’une telle libération suscite pour nous des craintes importantes pour la sécurité de ses enfants et celle des autres témoins.

Rappelons que M. Cardinal a tenté de maquiller le meurtre en violation de domicile. Rappelons que l’enquête policière a amené la procureure aux poursuites criminelles et pénales à modifier le chef d’accusation pour une accusation plus grave de meurtre prémédité.

Accorder une telle libération susciterait non seulement l’indignation du public, mais viendrait, à coup sûr, encore une fois miner la confiance des femmes victimes de violence envers le système judiciaire. Une confiance déjà bien faible.

En effet, au cours de l’été, tout le Québec a été témoin du manque de confiance envers la justice de nombre de femmes victimes de violence. À travers cette troisième vague de dévoilements sur les réseaux sociaux, nous avons entendu des femmes violentées répéter leurs désillusions, que ce soit en regard de la prise en compte réelle des conséquences des agressions qu’elles ont subies, de la crédibilité qui leur était accordée ou de l’issue du processus judiciaire souvent peu dissuasive pour leurs agresseurs. Pour elles, le jeu n’en valait pas la chandelle.

Chaque jour, dans les maisons d’aide et d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale, les intervenantes constatent cette méfiance, ces craintes, ces hésitations à porter plainte. Pourtant, nous sommes convaincues que le système de justice peut participer à la dénonciation publique de ces violences et aux changements de mentalité. C’est pourquoi, sans relâche, nous plaidons auprès des décideurs politiques et des acteurs judiciaires pour l’amélioration du traitement judiciaire de ces violences. Avec une volonté politique et des investissements suffisants, ces changements sont possibles.

Des solutions connues

D’ailleurs, les solutions sont connues et ont été amplement discutées : améliorer les dossiers d’enquête pour diminuer la pression sur les victimes ; augmenter le nombre de procureures pour qu’elles puissent être mieux préparées au procès ; assurer une meilleure formation des policiers et policières, des procureurs et des juges pour éliminer les préjugés envers les victimes et les attitudes qui les revictimisent ; généraliser la pratique de l’évaluation des risques encourus par ces victimes et mettre en place des mesures adéquates pour assurer leur sécurité ; offrir un meilleur accompagnement et un meilleur soutien tout au long du processus judiciaire ; en réduire les délais pour que les victimes puissent être entendues et reprendre le cours de leur vie.

Or, tous nos efforts, toutes nos participations aux consultations, comme à celle, récente, du Comité d’experts sur l’accompagnement des personnes victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale, ne donneront rien si les responsables de la justice ne mettent pas ces changements en œuvre. Et tous ces efforts pour offrir un meilleur traitement des victimes et susciter leur confiance seront réduits à néant si le système lui-même ne montre pas qu’il prend ces agressions au sérieux.

Nous enjoignons donc à tous les acteurs qui interviendront dans le cadre de la procédure engagée par Benoit Cardinal de le garder en tête et de saisir cette occasion pour démontrer que la justice prend au sérieux la violence envers les femmes.

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