J’ai grandi à Montréal, dans un quartier francophone. Ma famille élargie habitait Laval, Saint-Eustache, Trois-Rivières et Québec. Toute utilisation d’anglicismes était prohibée au sein de la maison familiale. Mon monde se déroulait en français, naturellement.

L’anglais revêtait pour moi un caractère exotique. Il représentait les vacances estivales sur la côte est américaine, un film hollywoodien en version originale, ou les cours d’anglais langue seconde. L’anglais demeurait ponctuel, voire inhabituel, et puis, tranquillement, il s’est immiscé dans mon quotidien.

Au sortir de l’adolescence, j’ai décroché un emploi étudiant au service à la clientèle, dans une boutique de la rue Sainte-Catherine. Premier choc. Ici, c’est « Bonjour-Hi ». Croyant d’abord que l’on cherchait à satisfaire la clientèle diversifiée du centre-ville montréalais, j’ai vite compris que cela profitait à bon nombre des membres du personnel. Naïvement, j’ai cru que mes collègues s’exprimant uniquement en anglais venaient tout juste d’élire domicile dans la métropole québécoise. Second choc. Nombre d’entre eux résidaient à Montréal depuis 5 ans, 10 ans, voire toute leur vie.

Le français était optionnel, non pas nécessaire.

Rien de surprenant

Beaucoup ont réagi aux récentes données de l’Enquête sur les exigences linguistiques auprès des entreprises, des municipalités et des arrondissements de Montréal, menée par l’Institut de la statistique du Québec. Selon ces chiffres, jusqu’à 63 % des entreprises situées à Montréal auraient exigé ou souhaité une certaine maîtrise de l’anglais. Cela n’a pourtant rien de surprenant. Il suffit de déambuler au centre-ville montréalais pour le constater. Le recensement canadien de 2016 abonde dans le même sens, la proportion de Montréalais se déclarant bilingues — français et anglais — oscille autour de 60 %, comparativement à 40 % pour l’ensemble du Québec. Et cette proportion augmente tranquillement à chaque recensement.

Après tout, personne ne s’offusque d’être servi en japonais à Tokyo, ou en norvégien à Oslo. Nombreux sont ceux et celles qui visitent la Québec pour son caractère distinct, ses influences variées.

Montréal se targue d’être la plus grande ville francophone d’Amérique. Selon de nombreux palmarès, dont le Rapport sur les villes du monde, publié en 2016 par l’ONU, la métropole québécoise se place dans le top 5 des plus grandes villes francophones du monde. Pourtant, nous tendons de plus en plus vers un bilinguisme imposé.

Malgré tout, il n’est pas possible d’exclure toute influence anglophone au sein de Montréal. Par sa géographie, son histoire, ses liens économiques, Montréal restera toujours une métropole sous tension. L’anglais est notre voisin, et sera constamment à nos portes. Mais il nous revient, collectivement, de réaffirmer la place du français comme langue première de notre métropole québécoise. Le parler québécois n’est pas seulement notre langue, mais plutôt notre caractéristique collective, notre liant, notre culture.

Le français n’est pas une option.

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