Du moment où un enfant naît, il devient citoyen d’un pays et membre d’une communauté. À son insu, il « signe » un contrat social et est, de ce fait, engagé à respecter les lois instaurées par la société à laquelle il appartient. Par un long processus, la famille et l’école devront l’acculturer au monde dans lequel il vit, l’instruire des libertés qu’il détient et des limites que lui impose la vie en société.

Une société est un regroupement structuré par des institutions, des lois et des règles. Elle n’est pas constituée d’individus placés les uns à côté des autres comme les grains de sable d’une plage, mais d’une organisation d’êtres humains interreliés comme les maillons d’une chaîne. Chaque membre d’une société doit vivre dans le respect d’autrui et entretenir avec ses concitoyens un sentiment de civisme, d’altruisme et de solidarité.

La meilleure preuve de cette interdépendance est l’institution de l’impôt. Une personne sans enfant se voit prélever des frais pour les allocations familiales et pour l’éducation. Tout travailleur contribue au système de prestations de chômage. Une personne en parfaite santé contribue au système de santé, etc., et c’est normal, car vous vivez en société. Vous trouvez que c’est chèrement payé ? Voyons voir.

Hors de la société, vous ne seriez soumis à aucune loi instituée par les hommes. Mais dans ce monde où chacun jouit d’une liberté pleine et entière, deux scénarios se profilent.

Le premier : la nourriture abonde, le climat est clément, les autres humains sont inoffensifs. Vous n’avez qu’à tendre la main pour trouver des vivres et vos voisins ne sont ni vos amis ni vos ennemis. Ce paradis terrestre est très improbable, car la nourriture ne pousse pas toute seule, le climat est souvent insupportable et l’homme n’est pas un être dépourvu d’agressivité.

Dans l’autre scénario, exposé par Thomas Hobbes, chacun doit subvenir à ses propres besoins, veiller à sa sécurité, lutter contre l’hostilité du climat, etc. Si, à une époque de son existence, un individu peut être apte à survivre dans de telles conditions, tôt ou tard il vieillira, il s’affaiblira et deviendra une proie facile. Cette existence libérée de lois humaines, mais entièrement soumise aux lois de la nature, est plus impitoyable que la vie en société, car dans un tel contexte, l’homme est un loup pour l’homme, chacun est une proie ou un prédateur. Une existence sans répit, sans quiétude serait donc le scénario le plus probable. C’est en considérant les avantages et les inconvénients inhérents à la vie en société que nous avons décidé de vivre ensemble.

Sans même qu’on s’en rende compte, chaque jour de notre vie dépend de l’organisation sociale. Emprunter une route ou les transports en commun, aller à l’épicerie ou dans tout autre commerce, s’instruire, faire partie d’un milieu de travail, recevoir une aide financière, consulter un médecin, obtenir des médicaments, se sentir en sécurité chez soi et hors de chez soi sont des exemples parmi tant d’autres des bienfaits que nous procure la vie en société. Ces avantages sont énormes.

Toutefois, un problème colossal survient lorsqu’une société est constituée de citoyens individualistes qui veulent les bénéfices d’une vie en société sans en payer le prix, vivre avec tous les avantages tout en passant outre les lois, en négligeant le bien commun, en agissant de façon irrespectueuse et égoïste.

C’est malheureusement le danger qui menace actuellement notre société, car nous vivons dans un monde individualiste, hédoniste et consumériste. Nous voulons le beurre et l’argent du beurre, ce qui, bien sûr, est impossible.

Dernièrement, de nombreux évènements ont été des indicateurs criants de ce danger. Alors que le gouvernement contraint les citoyens à porter un masque, COVID-19 oblige, des voix se font entendre : « Personne ne peut limiter ma liberté ! » Cette attitude, irresponsable et antisociale, contribue à la propagation d’un virus meurtrier. Les agressions sexuelles et les viols, à juste titre dénoncés actuellement, sont des crimes contre la personne qui menacent la sécurité des individus et détruisent le tissu social. Les impôts mal gérés et les malversations commises par les élus ruinent la confiance des électeurs en leur gouvernement. Les vols d’identité et la fraude sèment l’insécurité face à nos institutions. Les vendeurs de drogues dures comme le fentanyl sont responsables de la mort de leurs clients. Les enfants maltraités et les vieillards relégués aux oubliettes (le début et la fin de la vie) constituent des faits inadmissibles.

La liste pourrait s’étirer indéfiniment, mais il suffit de lire les journaux pour trouver à foison des exemples de ce type, autant de symptômes d’une société malade, d’une société dont le ciment se désagrège. Je sais que ces contrevenants ne sont pas la règle, mais l’exception, mais de trop nombreuses exceptions qui mettent en danger l’équilibre délicat de notre société.

Une telle situation est probablement le résultat de la perte de valeurs et d’idéaux communs, de l’absence d’un consensus minimal sur le plan moral. À défaut de ces axes fondamentaux, aucune société ne peut exister, car chaque citoyen est susceptible de se comporter comme un électron libre. Des valeurs telles que le respect d’autrui, la solidarité et le souci du bien commun sont indissociables d’un « vivre-ensemble » harmonieux. Peut-être serait-il temps de repenser les fondements éthiques de notre société et d’arrimer effectivement nos actions à ces valeurs ? Des solutions concrètes, je n’en ai pas, mais il m’arrive de regarder avec effarement comment le monde tourne et je sens que je ne suis pas la seule.

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