Voici le cinquième d’une série de textes d’opinion sur les effets sociaux à long terme de la pandémie, rédigés par des membres du Comité sur les impacts de la COVID-19 de la Fondation Pierre Elliott Trudeau

Le Projet de justice mondiale classe le Canada au 9e rang sur 128 pays. Mais lorsque l’on exclut la justice pénale, on obtient de moins bons résultats : on est 20e sur 128 pays. Et lorsque nous examinons la justice sur le terrain, le classement est 56. Cela signifie que 55 pays font mieux que le Canada pour offrir à leurs citoyens une justice civile abordable et accessible.

Nous avons fièrement proclamé, selon les mots du premier ministre Pierre Elliot Trudeau, que nous vivons dans une « société juste ». Mais nous savons maintenant que ce n’est pas le cas pour certains d’entre nous. À quoi servent les valeurs élevées si la réalité n’y correspond pas ?

Le Canada souffre d’une crise de la justice. Nous le savions avant la pandémie de COVID-19, mais nous ne pouvons plus l’ignorer aujourd’hui. Comment déposer des documents lorsque les portes du palais de justice sont fermées ? Comment mener un procès quand les gens ne peuvent pas entrer dans la salle d’audience ?

Avant la COVID-19, les cours et tribunaux travaillaient généralement au maximum de leurs capacités et au-delà. Aujourd’hui, ils sont littéralement incapables de faire face à la situation. La COVID-19 nous montre les fissures dans l’infrastructure de la justice. Notre système judiciaire se révèle incapable de fournir des solutions efficaces et rapides aux besoins juridiques des citoyens canadiens.

Les besoins juridiques non résolus ont un coût personnel, social et économique considérable. Ils accablent souvent les personnes concernées, les rendant moins productives, leur faisant parfois perdre leur emploi, et ayant un impact négatif sur leur santé et leurs relations.

Les cours et les tribunaux ont réagi à la pandémie du mieux qu’ils ont pu, en instituant des audiences virtuelles et en classant les affaires par ordre de priorité afin que les plus urgentes puissent être entendues. Les cours d’appel de certaines provinces ainsi que la Cour suprême du Canada ont annoncé qu’elles entendraient des affaires sur Zoom. Tout cela est bien, mais pas assez pour soulager la douleur dans les tribunaux de première instance.

Le retard, qui gonflait déjà avant la crise, a augmenté et continue d’augmenter de façon exponentielle. Quand allons-nous le rattraper ?

Les affaires familiales et civiles sont parmi les plus touchées. Dans le domaine pénal, la Cour suprême du Canada a déclaré en 2016, dans l’affaire Jordan, que le Canada doit respecter le droit constitutionnel du citoyen à un procès dans un délai raisonnable, et a imposé des délais pour les procès, faute de quoi un défendeur pourrait demander la suspension des charges retenues contre lui. Dans la lutte pour la mise en œuvre des limites imposées, de nombreux tribunaux ont été contraints de donner la priorité aux affaires pénales par rapport aux affaires civiles. Puis la COVID-19 et l’isolement social sont apparus, portant un second coup à un système de justice familiale et civile déjà débordé.

Discuter du changement

Comment allons-nous répondre à la crise du système judiciaire que la COVID-19 a révélée ? Si nous ne faisons rien, nous risquons de discréditer un système de justice déjà affaibli et de trahir nos valeurs comme une société juste. Les personnes concernées au sein des tribunaux, de la profession juridique et des ministères de la Justice de nos gouvernements fédéral et provinciaux, ont maintenant des conversations qui étaient inimaginables il y a 10 ans. Les discussions sur le rafistolage sont remplacées par des discussions sur le changement transformationnel.

Tout d’abord, les hypothèses selon lesquelles notre système de justice est sacro-saint sont remplacées par la reconnaissance qu’il est temps de le faire entrer dans le XXIe siècle.

Il existe un consensus croissant sur la nécessité de doter nos institutions judiciaires des infrastructures requises pour permettre à la justice d’entrer dans le monde moderne, ce qui inclut des solutions technologiques.

Deuxièmement, le nouveau système de justice qui émergera de la COVID-19 doit fournir une justice sur le terrain aux femmes et aux hommes qui en ont besoin. Il doit tenir compte du fait que les problèmes juridiques sont liés à d’autres problèmes, tels que les maladies mentales, l’itinérance et les problèmes de santé.

Troisièmement, nous devons être prêts à dépenser ce qui est nécessaire pour reconstruire le système judiciaire. Pendant bien trop longtemps, le secteur de la justice a été privé de ressources. Mais la justice est aussi importante que les soins de santé et l’éducation. Le Canada devrait être une société juste et le moment est venu d’y parvenir.

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