Le virus était inconnu. Il peut être propagé par des gens sans symptôme. Il devient mortel à des taux effrayants chez les populations âgées. Tout cela est vrai partout dans le monde. Mais le Québec et sa métropole sont parmi les endroits du monde où le nombre de morts par million d’habitants est le plus élevé ; Montréal est parmi les métropoles qui ont le moins su protéger leurs aînés. Pourquoi ?

Pourquoi tant de morts et de familles éplorées, alors que les Québécois ont été si disciplinés dans le confinement ? Pourquoi ce si lourd bilan, alors que nous avons eu du temps pour voir venir, l’Ontario (25 janvier) et la Colombie-Britannique (28 janvier) ayant déclaré leur premier cas un mois avant le Québec (27 février) ? (1)

Le moment venu, il faudra poser les bonnes questions et obtenir les bonnes réponses. L’Ontario a déjà annoncé la tenue prochaine d’une commission d’enquête indépendante sur la situation dans les « foyers de longue durée ». Une commission d’enquête est envisagée au Québec aussi. Elle est incontournable. Ces événements d’une extrême gravité ne peuvent pas rester sans examen sérieux, approfondi et public. Il ne s’agit pas de trouver des coupables, il s’agit de comprendre, corriger et prévenir. L’examen est nécessaire. Il devra aussi être bien pensé. Le risque de se perdre en chemin est aussi grand que celui de laisser de côté des aspects importants. Il faudra avancer étape par étape.

D’abord, les CHSLD. Que s’est-il passé dans les CHSLD ? Qu’est-ce qui n’a pas marché dans ces maisons pour que le virus s’y propage « comme une allumette dans le foin », selon les mots mêmes du premier ministre Legault ? Il faut commencer par là, parce que les réponses pourraient influencer le concept des « maisons des aînés » dont le gouvernement veut accélérer la construction pour stimuler la relance économique.

Puis, le système et son processus de décision. L’organisation du système de santé avec ses CIUSSS, ses CISSS, sa centralisation, sa lourdeur a-t-elle entravé la réponse à la pandémie ? Pourquoi cette impression de déconnexion entre la réalité du terrain et le discours des autorités ?

Enfin, de façon plus large, le Québec et son État social. Les défaillances des CHSLD sont connues depuis longtemps. On ne peut pas feindre la surprise. Nous avons choisi de regarder ailleurs. Au fond, le Québec a agi envers ses aînés un peu comme il a agi envers ses infrastructures en désuétude, un peu comme il a agi envers ses universités sous-financées.

Le Québec est bienveillant en pensée, c’est une belle qualité, mais il est parfois négligent dans le geste, il faut peut-être oser se le dire bien carré pour enfin aligner les ressources et les mots.

Je terminerai dans quelques jours deux mandats totalisant 10 ans comme recteur de l’Université de Montréal. Pendant ces années, j’ai vu la formidable émergence de Montréal dans le domaine de l’intelligence artificielle ; j’ai vu les changements climatiques devenir une préoccupation de la jeunesse et du monde ; j’ai vu notre métropole se donner de nouveaux hôpitaux universitaires où on fait des recherches de pointe ; j’ai vu Montréal émerger à nouveau comme l’une des championnes canadiennes de la croissance économique… Et nos aînés ? Nous regardions ailleurs, nous avions collectivement d’autres priorités.

(1) Consultez la page Wikipédia sur la COVID-19 au Canada

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