Le plan estival d’aménagement urbain dévoilé par la Ville de Montréal démontre la nécessité de créer des espaces permettant aux citoyens de sortir, jouer dehors, se détendre. Ce plan concerne surtout la réappropriation de rues, mais la prochaine étape pourrait être d’adapter certains parcs de quartier pour qu’ils puissent profiter au plus grand nombre.

Si les images de parcs bondés attirent l’attention, on observe à l’inverse que plusieurs parcs de quartier sont plutôt boudés. On retrouve dans ceux-ci d’immenses superficies sous-valorisées : les terrains de sport. Dans certains parcs de quartier, après la fermeture de ces terrains et des aires de jeux, il ne reste presque plus rien que des sentiers et espaces résiduels peu attrayants.

Prenons l’exemple des terrains de baseball. À Montréal seulement, on compte 130 parcs équipés de terrains de baseball (650 au Québec). On y trouve en général un à trois terrains, d’une superficie variant généralement de 50 000 à 100 000 pieds carrés. Cela représente environ 18 millions de pieds carrés, sans compter les espaces résiduels qui les entourent, soit l’équivalent du parc du Mont-Royal ou de cinq parcs La Fontaine.

De nouveaux amphithéâtres extérieurs dans les quartiers

Profitons de ce contexte particulier et du besoin accru en espaces verts pour mettre ces terrains à profit des communautés locales. Les terrains de baseball ont le potentiel de devenir des cœurs de vie pour les municipalités à travers le Québec, des lieux sécuritaires pour le jeu libre et la diffusion d’événements culturels compatibles avec la distanciation. Il est en effet possible de convertir à faible coût ces morceaux de ville en espaces de vie magiques pour chaque quartier. Si l’amphithéâtre extérieur du parc Jean-Drapeau a coûté 70 millions de dollars, on peut tout à fait envisager de créer des amphithéâtres de quartier partout et avec très peu de moyens.

Il est d’autant plus pertinent de décentraliser la culture dans les quartiers cet été.

La configuration des terrains de baseball rappelle déjà celle d’un auditorium, et la clôture derrière le marbre a une forme d’odéon, qu’il serait facile de convertir en scène.

On y retrouve généralement des infrastructures qui permettent l’accueil du public, comme des fontaines ou toilettes publiques, qu’il faudra bien ouvrir, avec des mesures sanitaires, si on veut répondre à l’affluence naturelle des parcs cet été.

On voit apparaître beaucoup d’images de ciné-parcs improvisés dans des lieux inusités, un peu partout dans le monde. Pourquoi ne pas étendre le concept aux parcs de quartier, sans les autos, et permettre aux gens de s’installer sur leurs chaises ou nappes, en gardant leurs distances ? Ces grands terrains peuvent alors se transformer en espaces culturels sécuritaires, et ainsi compenser la fermeture de lieux culturels intérieurs, salles de spectacles ou bibliothèques.

Le terrain de baseball peut alors devenir un point de rencontre qui rythme le quotidien d’un quartier, avec des activités qui ne peuvent pas avoir lieu en intérieur. Ces amphithéâtres pourraient accueillir l’heure du conte des bibliothèques, des soupers spectacles, des concerts ou du cinéma en plein air, des comptoirs de restaurateurs locaux. Et les organisateurs de ces événements pourront veiller au respect des consignes sanitaires.

En dehors des temps d’animation, ces espaces seront sous clé pour permettre la pratique du jeu libre, surtout dans des quartiers densément peuplés où une plus faible proportion de la population a accès à une cour arrière.

Quelle vision d’avenir pour nos parcs ?

Les parcs sont devenus une courtepointe d’infrastructures juxtaposées et clôturées : le terrain de baseball, de soccer, la piscine, les courts de tennis, les modules de jeux. Depuis les 50 dernières années, ce type de parc plutôt générique s’est multiplié dans les quartiers, en sacrifiant les étendues naturelles de promenade et de jeu pour des aménagements synthétiques et fonctionnels. « Cette vision axée sur l’équipement et le sport est l’une des raisons pour lesquelles certaines personnes ne vont pas dans leurs parcs de quartier et préfèrent les grands parcs naturels loin de chez eux. Parce que si ce parc peut ressembler à un espace sur une carte, en réalité, ce ne sont que des infrastructures amassées, souvent fermées, parfois même verrouillées. » * On compte finalement peu de parcs paysagers qui répondent à notre besoin de nature en ville. La plupart ont été construits il y a 100 ans, à une époque où l’on avait un rapport différent avec la nature.

Au-delà de l’optimisation de certains terrains sportifs cet été, il serait peut-être temps de réévaluer la vision que nous avons pour nos parcs, et de sortir de cette approche si encadrée des lieux consacrés à l’activité physique.

* Traduction d’une publication Facebook de Stephanie Watt, conseillère de ville dans Rosemont–La Petite-Patrie

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