Parmi les caractéristiques de la race humaine, il y a la langue, outil essentiel de la raison et de la communication sociale. Les linguistes savent que la langue est vivante et se développe sans cesse, parfois au grand dam des puristes et autres conservateurs.

Un des traits distinctifs des langues nordiques, dont le néerlandais, l’allemand et les langues scandinaves, est la possibilité de créer des mots composés, parfois d’une longueur considérable. Ainsi, mon père travaillait aux Pays-Bas au Rijkstuinbouwvoorlichtingsdienst (une composition de cinq mots !) : le service national de conseil aux horticulteurs. Trop long pour le Scrabble, disons. Pourtant, c’est un mot que je maîtrise depuis l’âge de 6 ans et que je considère comme étant plus facile à retenir que CHSLD.

Cette possibilité de composer des mots complexes facilite les jeux de mots et la création de nouveaux mots qui adaptent la langue à de nouvelles réalités. Ainsi, en avril 2020, un article est paru faisant le point sur les 700 néologismes apparus dans la langue néerlandaise depuis le début de cette ère de la COVID-19*. En voici quelques exemples traduits en français et adaptés à la réalité québécoise.

Attousser (aanhoesten) : tousser ou éternuer délibérément dans la direction de quelqu’un, de préférence un policier, afin d’exprimer notre désapprobation. Remplace le klaxon, instrument pré-coronarien, de l’époque où les déplacements individuels en auto étaient encore permis.

Balconcert (idem) : expression musicale en plein air après le repas du soir, de préférence du Balcon masqué de Verdi. Semblable à balconversation (balkonversatie) : discussion de solutions pour la pandémie avec de parfaits inconnus. Voir également virologue amateur. Finalement, n’oublions pas la conversation de clôture (hekgesprek).

Chemin d’infection (besmettingsroute) : la porte arrière d’une résidence pour aînés.

Coronanie (idem) : exercices physiques en confinement.

Confinement (afsluiting) : cause principale de la faim de la peau (huidhonger), manque sensoriel qui est l’inspiration de ceux qui se font livrer un quart cuisse. Notez la distinction entre confinés et cons finis.

Corégraphie (corona-choreografie) : mouvement élégant d’évitement devant le comptoir des saucisses. Aussi corona-file (coronarij) : ceux qui préfèrent attendre leur tour à ce comptoir.

Coronado (quaranteen, de l’anglais) : élève du secondaire.

Coronazi (idem) : quelqu’un qui se permet de juger notre façon de respecter les règles de confinement, en nous traitant de coronasocial (coronaso). En espagnol : policía de balcón.

Coupe corona (coronakapsel) : le fait de posséder une tondeuse ne vous qualifie pas comme coiffeur. Par ailleurs, on ne devrait pas avoir honte de nos racines.

Courbe de corona (coronacurve) : développement du bedon de ceux qui n’ont pas de chien à promener (voir zoonose).

Économie de 2 mètres (anderhalvemetereconomie) : modèle d’affaires post-coronarien visant l’abandon de l’argent comptant comme moyen légal de paiement, en imposant des écrans de toux (kuchscherm).

Party de Purell (coronafeest) : rassemblement illégal où sont servis des quarantini (locktails, de l’anglais) aux convives, qui portent des masques N95.

R0 (idem) : mesure du succès des partys de Purell.

Repas à distance (afstandsetentje) : façon légitime de faire de l’internet en mangeant et d’éviter les concoctions culinaires de nos meilleurs amis, raison pourquoi le nouveau vaccin synthétique Zoom (beeldbelapplicatie) ne transmet pas les odeurs. De la même manière, l’option de désactiver sa caméra devient virale depuis la fermeture des salons de coiffeur et des cabinets de dentiste. Voir également e-péritif (Skyperitief).

Virologue amateur (amateurviroloog) : chercheur qui trouve la source de sa compétence dans ses tripes et les solutions pour la pandémie dans le produit de nettoyage de son aquarium. Voir également coronapocalypse (idem).

Visite à distance (afstandsbezoek) : la seule communication permise avec nos coronaînés (corona-oudje). Protège les vieux parents contre leurs enfants. Voir également Tanguy. À distinguer de visite de trottoir (stoepvisite) : libère les petits-enfants de l’obligation d’embrasser leurs grands-parents.

Zoonose (idem) : transmission d’une maladie animale à l’humain. Également : urgence instinctive de sortir de la maison, transmise à l’homme par son chien.

Certains de ces mots disparaîtront aussi vite ; d’autres muteront comme le virus lui-même. Mais ils feront dorénavant partie de la langue qu’apprendront les enfants nés à partir de 2020. Comment les appeler : la génération C, les coronaires, les coroniaux, les corons ?

> Consultez la liste des néologismes (en néerlandais)

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