Après le temps des vieux, le temps des enfants.

Quel symbole ! Après ces semaines où notre société s’est imposé un confinement exceptionnellement éprouvant à tous les égards pour essayer de protéger les Québécois âgés contre la COVID-19, c’est l’annonce, lundi, du possible retour à l’école des élèves du primaire qui a sonné le passage à l’étape suivante.

Nécessaire rappel du fait que, substantiellement moins à risque de souffrir des effets du virus, les jeunes générations paient un prix énorme dans cette affaire.

Risqué

Cette timide volonté de retour à la normale ne correspond que partiellement à des facteurs liés à la lutte contre le coronavirus. Les effets dévastateurs d’un confinement prolongé sur la santé physique et mentale des citoyens, sans parler de l’incontournable économie, sont de plus en plus évidents.

Le goût de vivre a recommencé son éternel combat contre la peur de mourir.

Un problème sera de défaire en partie ce qui a été fait dans un premier temps. La peur du virus s’est en effet transformée en une deuxième nature pour la plupart d’entre nous, exacerbation de la difficulté à assumer les risques inhérents à toute vie.

Il ne sert à rien par ailleurs de se conter des histoires : tout cela est risqué, non pas pour les enfants, on le sait, mais pour l’ensemble de notre société.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Belle journée de printemps, mardi, au parc La Fontaine à Montréal

Au-delà du drame sans nom des CHSLD qui nous hantera longtemps, alors que certains hôpitaux montréalais sont désormais atteints, on peut douter que la stratégie québécoise de confinement hâtif ait réussi à contenir la maladie, tout en protégeant notre système de santé et en limitant au minimum la liberté de circuler des citoyens.

La possibilité d’une seconde vague à l’automne semble réelle. Les scientifiques ne semblent pas s’entendre sur un fait crucial : les gens ayant déjà contracté la maladie seront-ils protégés contre elle, avec l’immunité collective qui en découlerait éventuellement ?

Incertitudes

On est loin de l’unanimité ayant caractérisé la première phase de la pandémie, quand les Québécois ont docilement mis en œuvre les directives du premier ministre François Legault et du directeur national de santé publique, Horacio Arruda.

On n’est également plus dans la période où tout le monde ridiculisait la Suède, pays pourtant réputé pour son sérieux, qui osait favoriser une stratégie différente dont on ne pourra véritablement mesurer l’efficacité que dans un an ou deux, stratégie misant davantage sur cette immunité naturelle un moment évoquée par le Dr Arruda.

Il appert maintenant que la solution viendra de stratégies jouant sur plusieurs tableaux à la fois : confinement, déconfinement, tests, masques, immunité, etc.

On nous parle un jour de la méthode sud-coréenne de faire les choses, le lendemain de celle de la Nouvelle-Zélande, puis de la singapourienne ou de la britanno-colombienne, quand ce n’est pas, bien sûr, de la méthode chinoise.

Une chatte y perd ses petits.

On ne saura jamais ce qui serait arrivé si la Chine n’avait pas initialement donné le ton dans cette affaire, avec son immémorial besoin de sauver la face et ses méthodes brutales de contrôle des populations. Aurait-on alors favorisé à ce point le confinement systématique de populations entières ?

Refus total de la mort

Deux paramètres aux antipodes l’un de l’autre ont conditionné jusqu’à présent la gestion de cette pandémie dans le monde.

Il y a eu bien sûr la façon chinoise – liberticide – de faire les choses. Mais a joué également l’incapacité désormais totale de la culture occidentale à accepter la réalité de la mort. « Rien ne peut mitiger la perte d’une vie humaine », écrivait récemment de façon révélatrice Jocelyn Maclure dans La Presse.

Dans un océan d’incertitudes, la seule chose qui est sûre, pourtant, c’est bien que nous allons tous mourir un jour et qu’en attendant nous voulons vivre quels qu’en soient les risques, cette soif de vivre étant plus forte que tout le reste.

Indépendamment des plans les mieux pensés de nos gouvernants sur les épaules desquels pèse actuellement un stress énorme, c’est cet irrépressible goût de vivre – le goût du printemps 2020 – qui rend impossible de prévoir ce qu’il adviendra au juste dans un an, dans trois mois, dans six semaines de cette crise sans précédent.

Tout peut changer si vite.

Nos illusions de contrôle sur la vie n’enlèvent rien au fait que cette dernière est souvent ce qui se passe pendant qu’on est en train de faire des plans pour autre chose.

Certains prétendent que c’est en novembre dernier que les dieux en colère contre des humains empiétant trop sur leur domaine ont tout d’abord décidé de leur envoyer ce satané virus pour les punir. Remercions cette divinité plus bienveillante qui obtint finalement que ce soit plutôt en mars, nous laissant au moins le printemps dans ce drame.

Ma mère haïssait l’hiver québécois. Le printemps est arrivé. Bonne école, les enfants !

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