« L’homme est naturellement bon, c’est la société qui le corrompt. » C’est l’essence du message de Jean-Jacques Rousseau dans son Discours sur l’origine des inégalités parmi les hommes. J’ai toujours cru que son analyse ne représentait pas la réalité, et les événements des dernières semaines vont dans ce sens.

La société, avec l’évolution de ses règles, lois et chartes des droits nous dirige généralement vers la protection du plus faible. Et en ce moment exact de notre histoire, cette proportion est de 98 pour 2, ces 2 % qui risquent de mourir de la COVID-19 s’ils la contractent. Et 98 % qui perdent soit des libertés, soit certains avoirs, soit leur propre santé pour assurer la vie du plus grand nombre, pour combattre une loi naturelle, celle de la sélection des plus forts. Parce que c’est ce que nous tentons de faire : enrayer les effets de la sélection naturelle.

Toute l’action humaine qui a visé l’amélioration des conditions de vie, qui a favorisé l’agrégation et l’instauration de services publics pour soutenir les indigents et malades, se veut une opposition volontaire au processus de sélection si bien décrit par Darwin. La COVID-19 s’inscrit comme la plus grande menace à notre modèle social depuis près d’un siècle, défiant nos principes sociaux, bousculant nos façons de faire, obligeant à réinventer nos interactions sociales, même celles qui sont portées justement pour aider les plus démunis de la société.

Cependant, derrière toutes les actions entreprises pour nous prémunir des effets de la COVID-19, il se dégage deux éléments importants : la nécessité de la science et de la morale. J’ai déjà eu le loisir d’exprimer dans La Presse ma conviction sur l’importance du jugement rationnel et de la prépondérance de la science pour prendre des décisions d’ordre public.

La morale des sociétés modernes

Ce principe s’est imposé par nécessité dans les dernières semaines ; on a vu des dirigeants responsables prendre des décisions et annoncer celles-ci flanqués de médecins en santé publique.

La science offre des options, mais les décisions doivent aussi tenir compte de principes moraux.

Ainsi, les options de protection immunitaire communautaire comme celle qui a été initialement proposée en Angleterre ont rapidement été écartées par la plupart des pays, imposant un fardeau de décès qui peut être scientifiquement « justifié », mais qui demeure immoral par les standards qui ont dirigé la formation et le maintien de nos sociétés modernes.

Le Québec et le Canada peuvent se sentir chanceux d’avoir des populations aussi engagées en ces temps difficiles.

L’individualisme rampant qui a caractérisé notre société semble avoir cédé le pas à l’entraide en solitaire.

Par contre, des actions contraires au bien commun surviennent encore et tiennent lieu de l’expression de cet individualisme qui a tellement influencé le développement de nos interactions sociales des dernières années.

À l’instar du reste de la société civile, l’engagement aux soins, bien que très majoritairement affirmé par les soignants de tous ordres, est nié par certains qui laissent leur intérêt propre s’imposer face aux besoins existants. Oui, il y a des médecins, infirmières et autres professionnels de la santé qui veulent se dégager de leurs obligations déontologiques, mais ils sont une infime minorité. Et on doit surtout noter ceux et celles qui sortent de la retraite pour s’enrôler à nouveau pour le bien des patients.

À la suite de nos discussions sur les accommodements raisonnables pour mieux vivre ensemble, nous en sommes actuellement aux accommodements obligatoires pour permettre au plus grand nombre de survivre à la menace qui assombrit le ciel planétaire. Après, parce qu’il y aura un après, nous devrons analyser ce qui nous a permis d’avancer collectivement, en révisant l’engagement de chacun et le leadership exprimé par nos dirigeants politiques et scientifiques. Quand la COVID-19 sera de notre passé, il y aura des deuils, mais aussi de nombreuses histoires à écrire sur l’expérience humaine que cette pandémie a créée. Et nous devrons aussi reprendre toutes nos charges qui sont actuellement laissées pour compte à cause de la situation actuelle.

Paulo Coelho a bien décrit ce qui explique ce pour quoi nous agissons comme nous le faisons actuellement : le bon combat est celui qui est engagé parce que notre cœur le demande (Le pèlerin de Compostelle).

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