Le ministre des Affaires étrangères du Canada et le premier ministre du Québec ont exhorté les Canadiens séjournant à l’étranger à rentrer « à la maison pendant qu’il en est encore temps ». On voulait bien rentrer, nous aussi ! D’autant que notre voyage en Espagne n’avait plus aucun intérêt.

Nous étions arrivés, ma femme et moi, dans une Grenade magnifique, resplendissante et animée. Six jours plus tard, les commerces fermaient les uns après les autres, à la suite de l’état d’urgence décrété par l’Espagne. Et le lendemain, il n’y avait plus d’ouvert que quelques épiceries et de rares pharmacies. Dans les rues, on ne croisait guère que de rares touristes qui bravaient l’interdiction de circuler pour s’imprégner encore un peu des beautés de la ville de l’Alhambra.

Et puis, sans être hypocondriaques, nous commencions nous aussi à avoir peur de contracter un coronavirus qui faisait chaque jour en Europe des milliers de victimes. Surtout qu’ayant passé le cap des 70 ans, nous tombons dans le groupe des petits vieux que l’on dit vulnérables.

Bref, on aurait volontiers sauté dans le premier avion. Mais encore aurait-il fallu en trouver un. Air Transat, avec qui nous devions revenir le 5 avril, ne répondait pas. Ni par téléphone ni par chat. Tout au plus pouvait-on remplir un formulaire en ligne, qui avait toutes les apparences d’une bouteille lancée à la mer.

Le lendemain en effet, on me répondait que le délai de traitement pouvait prendre « jusqu’à quelques jours », ce qui n’est guère rassurant compte tenu de l’urgence. Pire encore, on nous assurait que « toutes les demandes reçues dans les délais requis seront traitées et ce, même si la date de départ est passée ».

« Même si la date de départ est passée. » Je me suis répété la formule au moins une dizaine de fois, incrédule.

Comment peut-on faire devancer une réservation quand elle pourrait être traitée une fois « la date de départ passée » ?

Aussi avons-nous entrepris, comme des milliers de Québécois coincés à l’étranger, de chercher par nous-mêmes un vol en ligne. Les premières recherches ont été décevantes. On nous proposait à fort prix des vols avec des escales interminables. Il aurait fallu 24 heures d’avion, voire davantage, pour rentrer au Québec. Moi qui déteste l’avion !

J’ai fini par dénicher un vol d’Air Transat en partance de Madrid le 22 mars. Nous aurions préféré rentrer plus tôt encore, mais du moins gagnions-nous deux semaines par rapport au retour initialement prévu. Il ne restait que quatre places. Pas le temps de joindre Air Transat pour faire annuler le vol du 5 avril. Mais comme les Transatiens nous promettent de traiter nos demandes, « et ce, même si la date de départ est passée », on s’est dit qu’il serait toujours temps de s’entendre avec eux pour obtenir un crédit pour le vol annulé.

Aujourd’hui, nous prenons le train pour Madrid, d’où partira dimanche le vol TS785 d’Air Transat pour Montréal. Il aurait sans doute été plus agréable de rester dans l’appartement loué à Cordoue que d’aller s’ennuyer cinq jours dans une petite chambre d’hôtel près de l’aéroport. Mais j’avais trop peur que les trains ne s’immobilisent net, comme un taureau terrassé par le toréador.

Habituellement quand je reviens d’un voyage, j’ai un petit pincement au cœur. Pas cette fois. Je n’ai jamais eu tant envie de revenir au Québec.

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