Lundi, une enseignante doit sortir de son local avec son groupe, car un élève est en crise. Il lance tout ce qui lui tombe sous la main et certains enfants reçoivent des projectiles. Lorsqu’il saisit une paire de ciseaux, la peur se lit dans les yeux des élèves, mais surtout de l’enseignante qui comprend le danger potentiel de ce geste. Certains enfants pleurent ou sont sous le choc. Ils iront tous se réfugier dans une classe voisine afin d’être en sécurité. Impossible d’enseigner maintenant, car la classe qui les accueille est aussi perturbée par la situation. Il faut rassurer tous ces enfants, même si ce n’est pas la première fois qu’ils vivent cette situation.

Mardi, un élève se désorganise, car il ne veut pas faire son travail. Il court partout, lance des chaises et hurle dans les oreilles des autres enfants. Deux éducatrices spécialisées doivent intervenir pour réussir à sortir cet enfant du local et le calmer. Pendant ce temps, le reste du groupe se désorganise et le retour au calme est difficile. Cette situation arrive plusieurs fois par semaine, c’est de plus en plus ardu d’enseigner dans ces conditions.

Mercredi, lors d’un examen, un enfant crie tellement fort que les élèves autour se bouchent les oreilles. Il essaie d’en frapper certains et frappe aussi dans les murs. Il doit être maîtrisé physiquement par trois personnes, car il met sa sécurité et celle des autres en danger. Les élèves des classes voisinent sont exaspérés, mais habitués, car cette situation fait partie de leur quotidien.

Jeudi, une enseignante doit planifier ses rencontres de parents pour le premier bulletin. Elle a 8 élèves sur 24 qui ont des difficultés d’apprentissage qui nécessitent un plan d’intervention et un suivi en orthopédagogie. Dans sa classe, il y a aussi un élève qui a un trouble du spectre de l’autisme et un autre qui a une cote de trouble du comportement. Malgré ses 20 ans d’expérience, ses nombreuses formations et son professionnalisme, elle se sent dépassée et incompétente. Le poids des années se fait sentir et elle songe de plus en plus à quitter l’enseignement, métier qu’elle adore pourtant.

Vendredi, une enseignante se fait frapper à coups de poing par un élève qui refuse d’entrer en classe.

Elle doit lui tenir les mains afin de se protéger alors celui-ci utilise ses pieds et continue de la frapper. Plusieurs ecchymoses apparaîtront sur son corps, mais c’est surtout son cœur qui sera meurtri. Elle ne le sait pas, mais elle vient de se mettre à risque. Plusieurs plaintes de parents sont entendues et reçues à la commission scolaire, car on a touché à leur enfant, même si c’est pour notre protection, celle des autres enfants et même celle de leur propre enfant.

Ces situations sont véridiques, nous les avons vécues, nous les avons subies. Déjà quelques collègues sont en arrêt de travail pour épuisement et nous ne sommes qu’en début d’année scolaire, en novembre. Nous travaillons dans des écoles tout ce qu’il y a de plus normales, ces situations se passent en classe régulière. Plusieurs élèves ont des troubles du comportement, des troubles du spectre de l’autisme ou des problèmes d’adaptation ou de santé mentale. Nous mettons des comités en place, nous suivons des formations, nous utilisons toutes les ressources disponibles pour aider ces enfants. Nous y mettons tout notre cœur et toute notre énergie.

Mais qu’en est-il des autres enfants ? De ceux qui fonctionnent bien, qui veulent travailler, qui veulent réussir ? Ceux qui subissent quotidiennement ces crises, cette violence, qui se font frapper ?

Ceux qui aimeraient se sentir en sécurité dans leur classe et pouvoir évoluer dans un milieu sain et propice aux apprentissages ? Il nous reste malheureusement peu d’énergie et de temps pour ces enfants. Chaque jour, nous avons l’impression de laisser tomber ces enfants et nous nous sentons prisonnières et impuissantes face à cette situation. L’intégration des élèves en difficulté est allée beaucoup trop loin. Les gouvernements nous ont laissé tomber, ont laissé tomber les enfants. 

Nous leur répétons depuis des années que notre tâche est de plus en plus lourde, que l’aide apportée n’est pas suffisante, que l’intégration comme nous la connaissons n’est pas adéquate. Quand une mesure éducative nuit au bien-être de tous, c’est une aberration que de continuer dans cette direction. Ce témoignage représente la réalité de plusieurs enseignants de différents milieux, de différentes régions. Le gouvernement nous répète que l’éducation est sa priorité alors il est temps qu’il passe à l’acte, que les bottines suivent les babines !

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