L’ouverture de la nouvelle loi sur l’aide médicale à mourir apporte enfin un espoir de répit à ceux qui, quotidiennement, endurent des souffrances sévères, incoercibles, physiques ou morales dues à leurs maladies.

Oui, il faut le comprendre : certaines situations sont pires que la mort et certaines personnes voudront bénéficier de ce nouveau privilège.

Cependant, alors que beaucoup applaudissent cette nouvelle ouverture, peu élèvent la voix sur certaines conséquences qui ne tarderont pas à apparaître. Il suffit que deux médecins s’entendent sur le fait qu’un patient réponde ou non à un ensemble de critères pour que l’on acquiesce à sa demande. Ne leur donnons-nous pas quasiment droit de vie ou de mort ?

En toute humilité, je crois que l’on surestime le savoir-être et le savoir-faire de nombreux médecins.

Car il s’agit maintenant de faire mourir quelqu’un dont la mort n’est pas raisonnablement prévisible. Peu d’entre nous peuvent se targuer d’avoir une formation solide dans le domaine. Rappelons-nous qu’il y a une fine ligne entre un acte criminel et un acte légal et que cette ligne est présentement imprécise. Autant de médecins, autant d’opinions.

Un enjeu de taille

Soyons respectueux par rapport à l’importance de l’enjeu. N’est-il pas ici question de vie et de mort ? La vie est-elle banalisée à ce point que tout médecin peut s’y mettre ? Depuis le temps que j’accompagne mes patients dans l’aide médicale à mourir (AMM), que je m’évertue à comprendre le sens de leurs souffrances et sur les façons d’y remédier, force est de constater qu’il faut baliser et consolider cette expertise.

Puis-je avancer qu’elle n’est pas donnée à tous ? Si nous vouons un respect à la vie ainsi qu’aux conditions qui mènent une personne à formuler une demande d’aide médicale à mourir, ne devrions non pas faire preuve de rigueur et développer une expertise interdisciplinaire spécifique à ce domaine ?

Il y a quelques années, j’ai participé à un groupe de travail au Collège des médecins du Québec portant sur un guide pour la création et le fonctionnement d’un comité du diagnostic et du traitement du cancer dans les établissements de santé du Québec.

À ce comité formé de huit experts en oncologie, pouvait s’ajouter le médecin de famille du patient, l’infirmière, le travailleur social, la nutritionniste ou le pharmacien. Leur rôle : « Rechercher la meilleure décision diagnostique, thérapeutique et clinique dans l’intérêt du patient. Les comités devront tenir compte de l’âge du patient, de sa qualité de vie actuelle, du pronostic, de sa qualité de vie future, du soutien familial ou des proches aidants et de la volonté du patient quant au type de soins souhaité. »

« Il ne s’agit pas de limiter ou de restreindre l’autonomie professionnelle des médecins ou de contraindre la volonté des patients, mais de les aider à prendre des décisions dans le respect de la littérature actuelle et de la médecine basée sur les données probantes. »

L’approche actuelle par rapport aux modifications apportées à l’accessibilité à l’aide médicale à mourir m’apparaît inquiétante et réductrice.

Particulièrement en ce qui a trait à l’évaluation de la souffrance, nous avons encore beaucoup à apprendre.

Yuval Noah Harari, dans son livre Sapiens, ne nous met-il pas en garde contre le développement de l’insignifiance de l’individu ? Ne valons-nous pas plus que cela ? Il est temps d’élaborer des équipes spécialement formées pour s’assurer que tout ce qui est raisonnablement possible a été fait : médecin expert, psychologue, aidant spirituel, avocat spécialisé. Ils constitueraient selon moi le noyau de ce groupe évaluateur. Soyons sérieux.

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