Un accident de ski qui me cloue au lit depuis maintenant un peu plus d’une semaine m’a donné l’occasion de faire un bilan de l’année qui s’achève, une année faite d’épreuves et de souffrances, mais aussi d’apprentissages collectifs. Une année qui demande conséquemment un bilan sous forme « à garder » et « à jeter ».

À garder à tout prix : le retour de l’« expérience » et de la « curiosité » au cœur du processus décisionnel. Je m’explique. Lorsqu’on regarde la performance des différents États dans le monde en termes de capacité à limiter la propagation du virus de la COVID-19 au sein de leur population, on observe que ceux qui s’en sont le mieux tirés ont en commun le fait d’avoir traversé la crise du SRAS en 2003-2004. L’épisode, qui a l’air insignifiant en regard d’aujourd’hui, était à l’époque suffisamment critique pour que les gouvernements qui ont dû y faire face aient conservé dans leur mémoire institutionnelle le mode d’emploi des actions à déployer en temps de crise sanitaire.

En Occident, alors que nous avions été pratiquement épargnés par le SRAS, nous avions cependant appris d’une autre crise, soit la grande crise financière de 2007-2008. Aussi, à défaut d’avoir été prêts à faire face à la pandémie d’un point de vue sanitaire, nous savions quoi faire pour que l’économie ne s’effondre pas comme il y a 12 ans, notamment par la mise en place de programmes visant l’injection massive de capitaux dans le système, un excès de générosité étant nettement préférable à un excès de contrôles, ce qui aurait limité l’effet des mesures.

En 2020, l’« expérience » s’est conséquemment imposée comme un élément fondamental à la prise de décision. Mais aussi la « curiosité », c’est-à-dire la capacité à apprendre des expériences des autres.

On dit, à cet égard, que François Legault exerce une veille continue sur ce qui se fait ailleurs en s’abreuvant dans les médias internationaux. Vivement que ce réflexe ne soit pas limité à la gestion des grandes crises, mais qu’il s’applique également à la gestion des affaires en général.

Et pour sauter du coq à l’âne, à quand une délégation d’ingénieurs de la Ville de Montréal vers Manhattan pour comprendre comment on peut, là-bas, construire un gratte-ciel sans bloquer le trottoir, alors qu’ici la simple construction d’un immeuble de cinq étages paralyse tout un quadrilatère ?

Un corollaire de l’« expérience » est le respect pour les gens d’expérience. Aussi, le sort qu’on réserve aux personnes les plus âgées et les plus vulnérables, sort mis en lumière dans la première vague de la crise, est une véritable honte nationale.

À jeter. Ou plutôt, à corriger au plus vite, notamment en donnant aux personnes âgées les moyens de rester chez eux jusqu’en fin de vie.

Dans un autre ordre d’idées, cette chronique, que j’écris dans La Presse depuis maintenant trois ans, est très souvent le résultat de discussions avec des leaders ou experts des enjeux que j’aborde. Or, alors que la crise et ses multiples confinements se sont traduits par une plus grande disponibilité de tout un chacun, jamais il n’a été aussi facile d’avoir des discussions de fond avec quiconque. Faites-en l’expérience ! À conserver, donc, cette facilité d’accès et ce goût du partage.

À jeter, par contre, la difficulté d’avoir accès à l’internet haute vitesse sur l’ensemble du territoire. Il est plus que temps que la connecté des citoyens, où ils se trouvent, passent d’un programme politique à une action gouvernementale résolue !

Finalement, à conserver, ce sens de l’entrepreneuriat qu’on a vu émerger un peu partout, qu’il s’agisse de grandes initiatives comme le Panier Bleu ou encore les milliers de restaurants qui se sont transformés en cuisines de traiteurs-maisons en un claquement de doigts ou les organismes culturels qui ont enfin investi l’espace numérique de façon pertinente.

Vivement une réouverture du monde d’avant. Mais j’espère sincèrement que l’on continuera à voir ce foisonnement d’idées et de projets qui auront caractérisé cette période.

À jeter, par contre, la mauvaise énergie qui est née de l’amertume des sacrifices qui nous sont imposés. Les « COVID-iots » sont, certes, idiots. Mais j’ai l’impression que l’importance qu’on leur donne, voire l’obsession qu’on a leur égard, ne mène nulle part. Vivement un sens des responsabilités partagées par tout le monde. Mais de là à faire un appel à la dénonciation… c’est pitoyable.

Et vous, que voudriez-vous conserver ou jeter ? Dans l’attente de vos réponses, je vous souhaite une année 2021 remplie de santé, d’amour, mais surtout d’optimisme et de confiance. Bonne année !

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