Ça fait neuf mois qu’une grande partie des commerces montréalais souffrent, et des centaines ont déjà rendu l’âme. Depuis le début de l’été, on se demandait où était passée la Ville. Pourquoi semblait-elle poursuivre ses activités comme si de rien n’était, ou presque ? On a vu quelques interventions çà et là, mais rien de vraiment structuré, rien qui soit à la hauteur d’une grande métropole et surtout, rien qui vienne encourager et aider les milliers de commerçants en péril qui, encore aujourd’hui, se retrouvent au bord du précipice.

Prenons l’exemple de l’épisode de la « relance estivale du centre-ville », qui n’a eu aucun impact pour les commerçants. Un budget de 400 000 $ pour une relance estivale du centre d’une grande ville, et ce, au début du mois d’août ? Vraiment ?

Heureusement, Québec et Ottawa ont agi autrement. Dès les premières semaines de la crise, ils ont sorti leurs chéquiers. Ces deux ordres de gouvernements ont compris qu’il était impératif de collaborer, tant avec les citoyens qu’avec les commerçants. En subventionnant une bonne partie des loyers commerciaux, en repoussant les dates butoirs d’une série de remises obligatoires et, plus récemment, en couvrant une portion importante des dépenses fixes des entreprises sans revenus, ils ont tous les deux contribué, tant bien que mal, à maintenir l’espoir d’un quelconque équilibre financier pour une société dans de bien mauvais draps.

Aujourd’hui, la Ville se réveille. À la suite de la conférence de presse récente de Valérie Plante, annonçant enfin un plan de relance commerciale plus crédible pour Montréal, on est en droit de se demander pourquoi l’aide municipale a tant tardé à se matérialiser, et pourquoi les sous sont restés si longtemps en banque !

On peut aussi se demander si cette intervention urgente et tant attendue avait été quelque peu retenue par la Ville. Visait-on le moment propice pour annoncer une relance économique plus sérieuse, bien à la vue de tous, et qui serait en bonne partie mise en œuvre dans les mois qui précèdent les élections municipales ?

Quoi qu’il en soit, il est désolant de constater que, malgré toutes les bonnes intentions qu’elle professe, l’administration municipale a mis tant de temps à manifester son désir d’intervenir à son tour pour contrer les effets économiques de la pandémie. C’est d’autant plus désolant quand on sait que ces investissements plus pointus ne ressusciteront pas les commerces qui ont déjà fermé leurs portes.

Une indifférence qui frappe

Dans notre cas, celui d’un groupe du secteur de la restauration, le manque total d’intérêt pour notre sort et pour l’avenir de notre commerce que manifeste la Ville nous frappe encore plus directement !

Nous possédons sept établissements de restauration à Montréal qui sont tous fermés. Et tous les propriétaires immobiliers des établissements que nous exploitons à Montréal ont accepté de collaborer avec nous, selon leur capacité.

Ils ont tous compris – c’est l’évidence même – qu’un commerce fermé temporairement vaut mieux qu’un commerce poussé vers l’insolvabilité et la fermeture permanente. Ils ont tous compris, sauf un : la Ville de Montréal.

Un de ces commerces, le Café du Nouveau Monde, situé depuis 24 ans dans le Théâtre du Nouveau Monde, est locataire de la Ville de Montréal pour une partie de l’espace qu’il exploite. Pour l’exercice financier 2020, les 896 pieds carrés de domaine public que nous occupons nous coûtent un loyer de 38 000 $, environ 42 $ le pied carré. Cette facture annuelle pour un bout de terrain qui n’entraîne aucune dépense pour la municipalité est déjà très élevée lorsque nos portes sont ouvertes ; elle devient carrément indigeste quand on sait que cet espace locatif est inutilisable et que notre restaurant est fermé depuis la mi-mars.*

Notre demande formelle à la Ville de renoncer temporairement à ce loyer, en totalité ou en partie, pour les mois de fermeture de notre entreprise, de même que nos appels répétés à un peu de souplesse et de collaboration ont été reçus avec désinvolture et, après quelques mois de « consultations intenses » dans le labyrinthe administratif de la Ville, nos requêtes ont été sèchement refusées.

Comme c’est le cas pour tous les commerces contraints de suspendre leurs activités, nos revenus sont à zéro. Ce qui reste de nos réserves financières diminue de jour en jour. Si, par une chance inouïe, nous parvenons à traverser cette crise, ce sera malgré les longs mois de politique d’indifférence de la Ville à notre égard et à l’égard de tous ses locataires en péril. En fait, pour nous et pour tous ceux qui doivent payer un plein loyer à la Ville et qui doivent payer leurs comptes de taxes municipales à la date due, sans arrangements spéciaux et sans période de grâce, l’équipe de Projet Montréal aura choisi de jouer en période de crise un rôle fort déplorable, celui de « la propriétaire la plus dure et la plus intransigeante en ville ».

Qui l’eût cru !

Ah les élections à l’horizon… déjà les violons et les promesses !

* Le Café a ouvert ses portes pour deux semaines en septembre pour épauler le théâtre qui proposait un spectacle à 20 % de sa capacité ; l’exercice a été dangereusement déficitaire.

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