Aujourd’hui, les superhéros américains sont partout. Mais sait-on que, dans l’ombre des géants créés par Marvel Comics (Disney) et DC Comics (Warner Bros.), il existe quelques superhéros québécois ? Cet article est le deuxième d’une série de sept textes.

Au début de la décennie 1970, une vague nationaliste balaie le Québec. Des tensions nombreuses apparaissent entre le Québec et le reste du Canada. C’est à ce moment qu’un défenseur à la silhouette atypique fait son entrée sur la scène de la bande dessinée.

Muni d’un « chandail d’la St-Jean », de lunettes de soudeur, d’un casque d’aviateur et d’une serviette en guise de cape, le Capitaine Kébec entend défendre la jeunesse québécoise… envers et contre tout !

Le plus célèbre de nos antihéros

Créé par Pierre Fournier en 1973, le Capitaine Kébec est le premier véritable superhéros québécois. Le personnage aura un très grand succès populaire, même si ses aventures sont en définitive peu nombreuses.

Pensées sous forme de série, Les aventures du Capitaine Kébec ne connaissent qu’un seul numéro.

On retrouve des apparitions du personnage dans quelques publications au cours des 10 années suivant sa création. En 1984, un récit en 12 planches paru dans la revue de bandes dessinées Titanic met un terme à sa carrière. En tout, à peine 35 planches de cette bande dessinée ont été produites.

Malgré la rareté de ses aventures, le Capitaine Kébec trône parmi les figures les plus emblématiques du superhéroïsme québécois, voire de la bande dessinée québécoise dans son ensemble. Signe de sa popularité, le réputé Franquin lui a fait un clin d’œil dans le 811e gag de la série Gaston Lagaffe !

Un superhéros hybride

Ce qui fait l’originalité du Capitaine Kébec, c’est qu’il combine trois influences pour le moins incongrues.

En premier lieu, il emprunte aux comics américains. Son nom, déjà, rappelle celui du célèbre justicier américain, Captain America. Il possède, comme lui, un sens immense du devoir.

En deuxième lieu, il est résolument québécois. Muni d’un « chandail d’la St-Jean », il combat Frogueman, un ancien policier de Montréal irrité par les jeunes hippies qui écoutent « de la musique de sauvages » et qui est armé d’un fusil qui tire de la soupe aux pois.

En troisième lieu, face à un Frogueman qui incarne le Québec traditionnel, Capitaine Kébec représente le courant de plus en plus populaire de la contre-culture.

Déjà, la façon d’épeler le mot Québec (« Kébec ») est un clin d’œil aux hippies québécois. L’habit du superhéros de Fournier est composé de divers morceaux de linge trouvés çà et là, comme s’il s’était habillé dans une friperie. Et c’est en faisant de la méditation et en consommant de la marijuana qu’il arrive (maladroitement) à voler !

Un super antihéros

Ayant fumé « un peu de stoffe », Capitaine Kébec s’exclame dans une des cases de sa première aventure, publiée par les Éditions de l’Hydrocéphale entêté : « J’pense que j’ai tous les pouvoirs du monde ! »

Mais en vérité, Fournier a injecté une forte dose de parodie dans le traitement de son personnage. Ne commence-t-il pas la première aventure de son superhéros par cette réplique : « Est-ce un météorite ? Un Boeing 747 ? Une soucoupe volante ? Un vulgaire moineau ? NON ! C’est le CAPITAINE KÉBEC. »

Le ton est donné. Les lecteurs et lectrices comprennent immédiatement que le superhéros québécois est une pâle réplique de ses modèles américains.

Capitaine Kébec est aussi incompétent qu’il est courageux. Dans son premier combat avec Frogueman, il s’assomme lui-même contre un mur. Et il n’est sauvé que par l’intervention in extremis d’un jeune admirateur… anglophone.

De manière intéressante, dans sa dernière aventure (1984), Capitaine Kébec réalise qu’il est temps pour lui de tourner la page. Assagi et blessé à la suite d’un combat, il confie à une jeune journaliste prénommée Josée l’existence d’une lignée de Capitaines, dont il n’est que le représentant actuel. Inspiré par la fougue et la candeur de Josée, il lui offre son costume et lui transfère ses pouvoirs.

En faisant ce geste, Capitaine Kébec, aussi dérisoire semble-t-il à première vue, se révèle aussi grand que Captain America.

Car être conscient de ses limites, savoir passer le flambeau à une nouvelle génération, voir chez d’autres des capacités de se surpasser, n’est-ce pas là en définitive être un « vrai » superhéros ?

À lire demain : Northguard, superhéros québécois fédéraliste !

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