« J’ai beaucoup d’admiration pour la chancelière d’Allemagne, Angela Merkel », a révélé le premier ministre François Legault lors de sa tournée médiatique de fin d’année. Il a bien raison. À ce jour, selon l’Institut national de santé publique du Québec, l’Allemagne compte 270 décès par million d’habitants alors que le Québec en compte… 887.

En fait, le Québec se classe parmi les pires pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques dotés de systèmes de santé universels. Il côtoie au classement le groupe des 800 décès et plus par million d’habitants avec la France, les États-Unis et le Royaume-Uni. À la différence de ces derniers, toutefois, le système de santé de l’Allemagne se classe parmi les meilleurs, selon la cinquième édition d’un classement annuel fait par le Fraser Institute.

Le Canada ? 26e sur 28 pour ce qui est du nombre de médecins par millier d’habitants, 25e pour les lits d’hôpitaux et avant-dernier pour les lits aux soins intensifs. Est-ce parce que la dépense n’y est pas suffisante ? Non. Le Canada arriverait deuxième pour la dépense en pourcentage du PIB et septième pour ce qui est de la dépense par personne. Juste ça devrait nous indigner au plus haut point. Pire, en 2017, une étude a démontré que malgré l’augmentation du nombre de médecins au Québec et de leur rémunération, on observait… une baisse de la production de soins !

Au Québec, les gens prennent la rue pour des causes qui leur tiennent à cœur. L’attente déraisonnable dans les urgences, la difficulté d’obtenir un simple rendez-vous chez le médecin ou les conditions déplorables dans les CHSLD ? Personne dans la rue.

Alors qui aura le courage de régler les vices cachés de ce système de santé ? Oh, le premier ministre les connaît bien. Il a déjà servi comme ministre de la Santé. Peut-être sait-il trop bien qu’il n’y a rien à faire avec ça. Comme on dit en anglais, he’s been there and done that. Cette semaine, le premier ministre se refuse même d’admettre que le Québec a effectivement manqué d’équipements de protection !

On serait tenté de lui répondre : « Coudonc, nous niaisez-vous ? » Selon la Protectrice du citoyen, 25 % des cas de COVID-19 rapportés lors de la première vague touchaient des travailleurs de la santé. Plus du double de ce qui a été observé ailleurs au Canada. Ce n’est toujours bien pas parce qu’ils avaient le matériel de protection requis ! Dans son reportage écrit « Panique à Québec : dans les coulisses de la course aux masques », Thomas Gerbet, de Radio-Canada, raconte le fil des évènements entourant l’approvisionnement en masques de protection. Franchement gênant. On en était venus à cadenasser les masques de procédure et les N-95.

Le révolutionnaire tranquille Claude Castonguay, décédé récemment, se désolait de l’état du monstre bureaucratique du système de santé. Dans le Rapport du groupe de travail sur le financement du système de santé, « En avoir pour son argent », M. Castonguay était déterminé à y faire quelques recommandations. Le panier de services devait être revu, les groupes d’intérêts corporatistes devaient « jeter du lest et collaborer aux réformes essentielles », les gestionnaires locaux devaient exercer plus d’autonomie, et le ministère de la Santé et des Services sociaux devait se retirer de la production des soins pour faire place à une offre plus diversifiée de fournisseurs publics et privés de services de santé. En fait, beaucoup de ce qui existe dans le système de santé allemand et tout le contraire de la réforme Couillard/Barrette qui a suivi quelques années plus tard.

C’était en 2007-2008. Et j’ai beaucoup appris lors de ma participation à cet exercice. Notamment qu’on ne peut prétendre qu’un système de santé soit universel s’il est si difficile d’y accéder.

Retour sur le rapport du Fraser Institute : le Canada arrive bon dernier pour quatre des cinq critères reliés au temps d’attente. En Allemagne ? « L’attente aux urgences est un phénomène inexistant », fait remarquer Frederik Roeder, économiste de la santé et auteur d’une note économique de l’Institut économique de Montréal.

Pourquoi les Québécois ne mériteraient-ils pas un système de soins tel que celui de l’Allemagne ?

Selon un sondage de la firme Abacus tenu entre les 3 et 7 décembre 2020 pour le compte de HealthCareCan, 67 % des Canadiens jugent inacceptable le temps d’attente aux urgences. Soixante-cinq pour cent des Québécois estiment même que le fédéral doit assumer un leadership en santé même s’il s’agit d’une compétence provinciale ! C’est tout dire. La première priorité des Canadiens et Québécois ? Améliorer la qualité des soins et la capacité des hôpitaux.

Alors si François Legault dit admirer Angela Merkel, peut-on lui suggérer de s’inspirer d’elle pour autre chose que ses politiques de confinement ? Lorsqu’on aura fini d’être obsédés par le nombre de nouveaux cas de COVID-19, peut-on espérer que le gouvernement s’en fera un peu plus avec l’éléphant dans la pièce ? Combien de temps encore va-t-on demander au personnel soignant et à la population de « sauver leur système de santé » ? Parce qu’après la pandémie, l’éléphant, lui, y sera toujours et cette fois-ci, les électeurs s’en souviendront… peut-être.

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