Le ministère de la Forêt, de la Faune et des Parcs (MFFP) vient d’annoncer sa Stratégie nationale de production de bois. Avec les temps difficiles qui s’annoncent pour les finances publiques, ce ministère n’a pas droit à l’erreur. Plusieurs milliards de dollars seront investis en forêt au cours des prochaines années.

En 2017, la vérificatrice générale montrait du doigt de nombreuses lacunes dans la gestion des investissements sylvicoles. Les leçons des erreurs du passé ont-elles été tirées ? Avant d’engager de telles dépenses, le Ministère doit rendre compte des correctifs apportés. Nous proposons que cette stratégie fasse l’objet d’une évaluation environnementale stratégique.

Le dernier rapport de la vérificatrice générale du Québec faisait état de nombreuses lacunes qui lèvent de sérieux doutes quant à la capacité du MFFP de faire bon usage des ressources qui lui sont confiées.

Avant d’aller de l’avant avec de telles dépenses, le MFFP a le devoir de non seulement exposer les recettes qu’il emploiera pour atteindre ses cibles de production de bois, mais aussi de démontrer l’efficacité des scénarios sylvicoles envisagés, la rentabilité des investissements à consentir de même que sa prise en compte des risques auxquels ils sont exposés.

La vérificatrice générale concluait que : « Le MFFP ne sait pas si les investissements sylvicoles des dernières décennies ont donné les résultats escomptés. De plus, le peu de suivis d’efficacité réalisés ne lui permet pas de déterminer les interventions à mettre en œuvre pour que le rendement escompté demeure réaliste ». Elle relevait aussi que tous les traitements nécessaires à l’atteinte des objectifs ne sont pas réalisés et que plusieurs plantations ne sont pas entretenues de façon adéquate. Elle demandait au MFFP de rendre compte aux citoyens de l’utilisation des sommes investies dans les travaux sylvicoles. Ce moment est arrivé.

Le MFFP dispose-t-il maintenant d’un état de situation quant à l’efficacité de sa sylviculture ? Il doit démontrer comment les cibles de production de bois tiennent compte de l’effet réel des traitements. Aussi, il est clair que le ministère devra disposer des ressources humaines et budgétaires (supplémentaire ?) s’il veut être en mesure de faire tous les suivis et interventions essentiels à un meilleur retour sur les investissements sylvicoles.

La rentabilité des stratégies d’aménagement n’était pas évaluée. Les analyses de rentabilité tiennent-elles compte des effets réels ou se basent-elles sur des rendements théoriques ? Le ministère doit expliquer comment les analyses économiques ont influencé les stratégies d’aménagement. Le coût marginal des mètres cubes supplémentaires qu’elles génèrent doit aussi être révélé.

La nécessité de tenir compte des risques lors du choix des investissements sylvicoles a aussi été évoquée par la vérificatrice. Il ne serait effectivement pas judicieux d’investir à des endroits où les forêts sont exposées à des risques importants. Il en est ainsi dans d’importantes portions de la forêt boréale où la probabilité de voir les efforts sylvicoles partir en fumée aurait de quoi décourager tout investisseur sensé. Le Rapport scientifique sur la limite nordique des forêts attribuables fournit une information fiable qui permet d’établir des prédictions quant aux pertes probables. Ces pertes sont-elles prises en compte dans la planification forestière ? Sont-elles soustraites des rendements escomptés dans l’établissement des cibles et dans le calcul de rentabilité ? Au moment où toutes les études scientifiques pointent vers une augmentation de la récurrence des incendies dans un futur pas si lointain à cause des changements climatiques, il est prudent de se demander quelle proportion de nos investissements va brûler.

Pour rassurer la population, le MFFP doit maintenant démontrer comment la Stratégie de production de bois pourra surmonter les échecs passés de la sylviculture québécoise. Aussi, on serait en droit de s’attendre à ce que le forestier en chef fasse état publiquement de comment il prend en compte les problèmes ci-haut mentionnés.

Avant d’engager de telles dépenses, beaucoup de questions légitimes méritent d’être posées. Le sujet est complexe et les réponses exigeront des analyses détaillées, incluant aussi l’arrimage à l’enjeu des changements climatiques. Par conséquent, nous demandons à ce que le gouvernement soumette la Stratégie nationale de production de bois à une évaluation environnementale stratégique et mandate le BAPE pour tenir des consultations publiques sur ce projet. Tant l’ampleur des budgets requis, l’importance des effets sur de vastes écosystèmes forestiers et la quantité de personnes concernées justifient amplement qu’une conversation publique se tienne en dehors des officines ministérielles.

La foresterie québécoise peut constituer un maillon important pour la mise en place d’une économie verte, forte et innovante. Or, pour y arriver, les fonds publics doivent servir à déployer des pratiques sylvicoles qui seront elles aussi vertes, fortes et innovantes. Les investissements en forêt peuvent redonner plus de valeur à une forêt qui en a perdu beaucoup au cours des dernières décennies. Pour ce faire, le MFFP doit rassurer la population en faisant la démonstration que tous ces milliards seront bien dépensés.

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