Nous étions dans le salon en train de regarder François Legault donner le coup de grâce à Noël lorsque mon fils Laurent sort en trombe de sa chambre, iPhone à la main, pour nous annoncer une triste nouvelle : « Papa ! Maman ! André Gagnon est mort ! »

— Comment ça ? ? ?

Laurent répond qu’on vient de l’annoncer sur lapresse.ca

Je suis très incrédule. Bien que Laurent ne me mente jamais sur ce genre de chose, j’éprouve le besoin d’en avoir le cœur net, mais je n’ose vérifier par moi-même, de peur de tomber sur la fatidique dépêche.

Plus tard, un journaliste informe le premier ministre de la mort du compositeur de Neiges. Je ne me souviens plus qu’elle a été la réaction de M. Legault, car j’ai illico prétexté avoir oublié quelques stylos dans mon bureau afin de pouvoir m’y rendre et méditer quelques minutes en écoutant Mouvements, ma pièce préférée parmi toutes les compositions de Gagnon.

André Gagnon a été mon tout premier spectacle de grand… et à la Place des Arts, par-dessus le marché !

Mon père, qui était son comptable, nous avait emmenés ma mère et moi pour encourager son client dont il adorait la musique. Je ne me rappelle plus toutefois si c’était au Théâtre Maisonneuve ou à la salle Wilfrid-Pelletier. Par contre, je me souviens que maman m’avait trouvé un ensemble magnifique chez Lawrence, au Carrefour Laval. C’est qu’il fallait que je sois chic pour cette soirée toute spéciale !

À la fin du spectacle, nous avons félicité André Gagnon dans sa loge. Beaucoup de monde. Beaucoup de vedettes. En chemin, deux spectatrices m’ont même dit que je ressemblais à un ange !

Mouvements

Mes souvenirs sont plus précis quant au spectacle pour promouvoir l’album Mouvements. Je crois que c’était le Supershow.

Mouvements… J’ai à peine 10 ans. Rivé à mon siège de la salle Wilfrid-Pelletier, je suis littéralement conquis. Par les autres pièces, certes, mais surtout par Mouvements.

Déjà que cette œuvre est très poignante. Rien que le début avec Gagnon au piano puis l’orchestre qui embarque graduellement. D’abord la basse, puis la guitare, la batterie, les timbales et le reste.

Déjà que ça vous prend aux tripes sur disque, imaginez maintenant sur scène. C’est vertigineux pour un petit garçon comme moi qui est déjà d’une sensibilité à fleur de peau !

Les frissons me gagnent… Je ne désire pas qu’entendre la musique. Je scrute la scène au grand complet, j’entre dans la bulle de chaque musicien et musicienne et je les observe scrupuleusement jouer de leur instrument. Je vois André, à la fois concentré et décontracté devant son piano, vêtu dignement, comme un artiste classique… avec des running shoes dans les pieds ! Je suis également impressionné par l’énergie des autres membres de l’orchestre, notamment Luc Boivin aux timbales.

De retour à la maison, je dessine à maintes reprises tout ce que j’avais vu sur scène, tout en écoutant Mouvements.

André Gagnon m’a ensuite suivi dans ma période new wave. Entre mes albums de The Cure et U2, on retrouvait ma collection de ses CD. Dans mes moments plus moroses, il m’accompagnait avec l’opéra Nelligan pour aller jusqu’au fond de ma peine, l’album Impressions pour me calmer et Mouvements pour repartir !

Aujourd’hui, c’est Laurent qui découvre sa musique. Il aurait bien aimé le voir en spectacle et je suis triste de ne pouvoir lui dire : « Peut-être bien un jour, mon garçon. »

Merci, maestro Gagnon, pour la musique et les souvenirs. Vous méritez pleinement votre Grand repos* !

 * Le grand repos est une pièce que l’on retrouve sur l’album Saga.

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