Le 13 novembre dernier, une députée du Parti libéral du Canada (PLC) et membre du comité permanent sur les langues officielles depuis 2018, Emmanuella Lambropoulos, a mis en doute le déclin du français au Québec. La directrice du PLC au Québec, Chelsea Craig, qui trouvait en septembre la loi 101 « oppressive et nuisible à l’éducation anglaise », revient sur sa bourde dans un virage à 180 degrés et, dans le sillon de Mme Lambropoulos, déclare vouloir maintenant protéger cette même loi. La députée de Saint-Laurent a offert ses « profondes excuses » pour finalement démissionner (?) du comité.

Ces récentes interventions ne peuvent qu’accentuer un scepticisme déjà présent quant à la volonté réelle du PLC de protéger et de promouvoir la langue française. « Beaucoup de paroles mais peu d’actes », concluait le commissaire aux langues officielles, Graham Fraser, lors du 40anniversaire de la loi. À part des actes de contrition, ajouterons-nous. Qu’il suffise de rappeler en effet que, plus récemment, en 2017, l’année du 150anniversaire du Canada, des ministres et des institutions fédérales se sont excusés du mauvais traitement infligé à la langue française. La Fondation des Prix du Gouverneur général s’est excusée de fautes grossières présentes sur son site internet et la ministre du Patrimoine, Mélanie Joly, s’est alors engagée à faire respecter la Loi sur les langues officielles ! Au mois de mai de la même année, autres excuses : le Bureau de la ministre de la Francophonie, Marie-Claude Bibeau, reconnaissait, à la suite d’une plainte, que « la situation était inacceptable » quant à la qualité de la langue française dans ses communications aux citoyens et promettait d’y voir. Interpellé sur des problèmes de traduction, le député libéral d’Hull-Aylmer, Greg Fergus, assurait que son parti est celui de la politique des langues officielles, et il s’attend à ce « qu’on adresse cette question [sic] comme il faut ». Très rassurant !

Pour Stéphane Dion, « le gouvernement fédéral doit considérer la maîtrise des deux langues officielles comme une compétence nécessaire pour les postes de responsabilité supérieure y compris, bien sûr, celui de ministre des Affaires étrangères » (allocution de juin 2015). Cruelle ironie ! Une des raisons officieuses avancées pour expliquer la chute du ministre fut précisément ses difficultés… en anglais. Les ministres anglophones actuels de Justin Trudeau satisfont-ils tous aux exigences souhaitées par l’ex-ministre Dion ?

Même le Bureau du Conseil privé n’est pas en reste quant au peu de respect du français. La première version française des notes biographiques du PM comportait en effet cinq fautes en 500 mots, selon deux linguistes expertes consultées par La Presse. Le cabinet reconnaissait que ces fautes étaient inacceptables et que « la qualité de la langue française était une priorité pour notre gouvernement ». Sur Twitter récemment, Matthew Mendelsohn, ancien conseiller auprès du Bureau du Conseil privé, se confiait : « Lorsque j’étais au Bureau presque toutes les notes de breffage, les mémorandums envoyés au cabinet étaient écrits en anglais. » Ne voir que de simples anecdotes (« c’est pas important ») dans d’« étranges » phrases traduites constitue même le symptôme le plus révélateur de l’insouciance vis-à-vis du français. Non seulement viole-t-on, par le peu d’importance attachée à cette langue, la Loi sur les langues officielles, et ce, au plus haut niveau institutionnel, mais on donne le mauvais exemple. Comment alors exiger du citoyen lambda le respect de la langue française dans son quotidien quand ses dirigeants politiques au plus haut niveau la malmènent allègrement ?

La crainte, dit-on, est le commencement de la sagesse. En l’occurrence, ici, la crainte au PLC n’est pas celle de Dieu, mais du Bloc québécois. Espérons que cette crainte conduise le PLC à poser des actes concrets pour protéger la langue française et pas seulement offrir des excuses, des viatiques pour calmer l’opinion.

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