Les stratèges du gouvernement Legault ont pondu un plan pour que les Québécois puissent célébrer Noël. Les commentateurs ont fait ressortir avec raison qu’ils n’avaient pas vraiment le choix, puisque les cas de désobéissance civile auraient été trop nombreux, ce qui aurait été désastreux pour le climat social et pour la poursuite du confinement après les Fêtes.

Hélas, ce plan repose sur une logique inadaptée aux circonstances. En outre, il comporte tant d’incongruités et de questions sans réponses qu’on se prend à se demander s’il ne faudrait pas tout simplement radier la fête de Noël en présentiel en 2020. Voyons quelques exemples des mesures qui ne tiennent pas la route.

Tout d’abord, une règle d’une iniquité monstrueuse : en limitant les célébrations à quatre jours de festivités (du 24 au 27 décembre), ce calendrier prive de nombreux travailleurs essentiels, qui doivent travailler à ces dates, comme des milliers d’employés du réseau de la santé, de toute possibilité de fêter en famille ou avec des amis. Si l’objectif était de démoraliser et de frustrer les « anges gardiens », c’est réussi.

En second lieu, la possibilité de voir n’importe qui (famille proche, amis et collègues de travail), à condition de limiter ces rassemblements à 10 personnes. Comme on pourra participer à plusieurs rassemblements par jour, pas besoin d’être astrologue pour prévoir ce qui va arriver : grâce à la magie des cellulaires et des textos, certains vont participer à trois ou quatre fêtes par jour, en procédant à une rotation, de sorte qu’ils pourront ainsi chacun côtoyer 20, 30 ou même 40 personnes. Bonjour la contagion, la consommation d’alcool et de cannabis réduisant les inhibitions !

Bien sûr, la santé publique suggère de participer à un ou deux partys au maximum pendant ces quatre jours. Mais s’y conformer sera très difficile pour une grande partie de la population, à cause notamment des familles recomposées, qu’elles soient simples ou complexes (environ 20 % du total).

Ensuite, le fameux « contrat moral », qui ne vaudra pas plus que ce qu’on appelait autrefois une promesse d’ivrogne. Comment imaginer que les gens qui prépareront les festivités se placeront en « confinement volontaire » les sept jours précédant et les sept jours suivant les quatre jours fériés ? Ces partys, il faudra bien les préparer, ce qui implique des sorties dans les commerces, souvent jusqu’à la dernière minute. Et quel pourcentage de la population va se résigner à enterrer 2020 dans la solitude ? Plusieurs fêteront Noël au grand jour et le Nouvel An en catimini !

Déplacements entre les régions

Et puis, il y a la surréaliste « recommandation » de ne pas se déplacer entre les régions. Coudonc, c’est Noël, la fête familiale par excellence au Québec, que l’on fête, ou la naissance de Mithra ? Qui va dire à son fils ou à sa mère qu’il n’a pas vu depuis des mois qu’il vaudrait mieux qu’il ou elle ne se déplace pas parce que M. Arruda ne le souhaite pas ? Et puis, faire l’épicerie à Chicoutimi ou à Gatineau, en quoi est-ce différent ?

Enfin, quels faits inconnus du grand public ont été déterminants dans la décision de ne pas permettre la réouverture des restaurants, des salles de spectacle et des musées, entre autres ? Ce que l’on a vu dans la période de déconfinement, de juin à octobre, c’est que ces lieux ne sont pas des foyers d’éclosion.

L’accès aux musées et aux cinémas n’aurait-il pas autorisé des loisirs sans danger réel de contamination à une population qui risque de s’enfermer pour quatre longs mois à plus ou moins brève échéance à cause des partys de Noël ?

Et des repas dans des restaurants n’auraient-ils pas été préférables à des partys familiaux, qui auront lieu dans des espaces restreints qui ne sont pas aménagés, avec du plexiglas par exemple, pour limiter les risques de contagion et où les convives se déplacent continuellement ? M’est avis que Germaine qui va aider Lucette à faire la vaisselle, Roger qui va soulager sa prostate aux demi-heures et Ginette qui veut faire des câlins aux petits-enfants, ce sont des situations dont le virus se délecte. Et puis dans les restaurants, on parle moins fort et on ne chante pas à tue-tête.

En fait, dans l’objectif avoué de ne pas trop amputer le calendrier scolaire, le gouvernement nous propose une fête de Noël comptable : sept jours de confinement + quatre jours de partys à 10 maximum + sept jours de confinement. Mais ce faisant, il a dangereusement rogné sur les jours de quarantaine et il a oublié le facteur humain. Dans ces conditions, il est probable que ce Noël engendrera beaucoup de mécontentement et qu’il relancera la courbe des infections vers la hausse, ce qui forcera le gouvernement à nous replonger dans un confinement strict en janvier ou en février. Et ça, ça sera très dur à supporter. En somme, ne serait-il pas préférable de célébrer Noël en virtuel plutôt que de foutre le bordel ? De toute façon, 2020 est une année de merde.

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