Comme il faisait beau ce jour-là et comme nous étions nombreuses et nombreux à en profiter. Ce n’était pas une journée comme les autres. On aurait dit que les cœurs étaient plus légers, que l’air était meilleur. C’était le 7 novembre 2020. Pour être plus précis, il était un peu après midi et la victoire de Joe Biden et de Kamala Harris venait d’être annoncée.

J’ai enfourché ma bicyclette et inutile de dire que je n’étais pas la seule. L’atmosphère était à la libération. Peut-être que c’était juste dans ma tête, mais il me semble que non. Une chose est certaine, mon cœur était plus léger. Il était libéré. La femme que je suis respirait mieux : un oppresseur allait quitter la Maison-Blanche. Un homme qui a tellement fait de tort. Tellement fait de tort aux femmes.

Heureusement, si Kamala Harris est la première femme à la vice-présidence des États-Unis, elle ne sera pas la dernière. Elle nous l’a promis. Le costume quel portait au moment de son discours de victoire – blanc, pour représenter le mouvement des suffragettes – incarne tout un symbole !

Malheureusement, ma journée de la libération s’est assombrie en soirée. Mon cœur s’est alourdi et l’air s’est vicié. Parce qu’on n’est jamais vraiment libérée.

Il faut toujours être aux aguets, surtout quand l’attaque est sournoise et imprévisible. Elle blesse, laisse des traces sans que ça paraisse.

C’est arrivé alors que j’écoutais un match de tennis à RDS : le match de demi-finale entre Rafael Nadal et Alexander Zverev. Le commentateur Yvan Ponton a frappé sans que je m’y attende. Un petit commentaire comme ça. Un petit commentaire qui ne passe pas. Un petit commentaire qui ne passe plus. Un petit commentaire que je me sens la responsabilité de dénoncer.

En effet, M. Ponton a parlé des problèmes de Zverev en dehors du court et des allégations de son ex-copine dans les médias pour violence psychologique et physique. Heureusement, nous a dit M. Ponton, tout cela n’affecte pas sa performance sur le terrain. M. Ponton nous a dit d’un ton désolé : « Ha !, elle veut ses sous ». Et le match a continué. Moi, j’étais sonnée. Est-ce que j’avais bien entendu ?

J’ai vérifié auprès de mon amoureux, assis à côté de moi. Oui, c’est bien ce qu’il avait dit. Je comprends par ce commentaire qu’Yvan Ponton juge que les allégations de l’ex-copine de Zverev sont non fondées. Il a décidé ça. Il ne la croit pas. Il croit Zverev (qui a nié les allégations). Il croit qu’une femme qui dénonce est une femme qui le fait par intérêt, une femme qui veut des sous. Et le pire dans tout cela ? C’est qu’Yvan a dit ça en ondes. Il a dit ça alors qu’il était aux côtés d’Hélène Pelletier, une femme qui s’est battue afin d’obtenir le droit de commenter les matchs de tennis entre hommes !

Yvan Ponton s’est trompé de film. J’avais l’impression d’avoir entendu une mauvaise réplique du film Les Boys.

Le match était diffusé à RDS et j’ai donc écrit au réseau pour dénoncer les propos de M. Ponton. J’ai demandé à ce qu’ils se rétractent et s’excusent en ondes. On m’a d’abord répondu qu’ils étaient désolés de mon mécontentement et que la direction de RDS est sensible à l’opinion publique. J’ai dû insister afin d’obtenir une vraie réponse. On m’a finalement répondu que RDS n’endossait pas ce type de propos et que M. Ponton a été sensibilisé à la situation afin qu’elle ne se reproduise pas. Et je cite, parce que c’est trop beau : « Monsieur Ponton est un commentateur d’expérience qui cumule des milliers d’heures sur RDS et qui a à cœur de bien faire son travail. »

Ma journée de la libération ne s’est pas terminée comme je l’aurais souhaitée. Mais cette journée m’a fait réaliser que nous étions toutes et tous responsables de libérer notre parole et de dénoncer l’inacceptable. Dénoncer des propos qui ne doivent pas être banalisés. Dénoncer parce que si on ne le fait pas, on contribue à entretenir des préjugés qui nous empêcheront de nous libérer. Il appartient à la société dans son ensemble, hommes et femmes, de veiller au grain.

Une dernière chose, j’attends toujours les excuses et une rétractation de la part de RDS et de Yvan Ponton.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion