Aucune artère n’est plus montréalaise que l’avenue du Parc. C’est l’un des lieux de naissance du mouvement pour la protection du patrimoine en réaction à la démolition du quartier Milton-Parc. C’est elle qui relie la montagne au parc Jeanne-Mance, puis au fleuve. C’est là qu’on y a vécu un psychodrame collectif autour d’une proposition de changement de nom pour « Robert-Bourassa ». C’est là qu’on a imaginé un tramway qui n’est jamais arrivé. Puis c’est là, notamment, où s’exprime le vivre ensemble propre à la métropole, Parc étant un point de rassemblement et un repère important pour les francophones, les anglophones, la communauté grecque, qui la nomme Parkaveneika, puis pour la communauté juive hassidique.

L’avenue du Parc est également « tellement montréalaise » pour la façon dont on y gère les travaux publics. Seulement entre les rues Laurier et Bernard, on a réhabilité ou reconstruit les égouts et les aqueducs principaux et secondaires, on a changé une conduite de gaz, on a coulé des dalles de béton aux arrêts d’autobus, on a élargi les saillies de trottoirs des rues transversales, on a coulé de nouvelles bordures de trottoirs, on a changé les lumières qui indiquent le sens de la circulation pour la voie du milieu, qui alterne matin et soir, puis on a refait le pavage de la rue. Cela, non pas dans un seul et même élan, mais au travers d’autant de projets qu’il y a eu d’étapes, réparties entre 2010 et aujourd’hui. Tellement montréalais !

Trois mentions doivent être attribuées. La première pour avoir installé un mobilier d’affichage pour que les citoyens y brochent leurs pancartes… exactement là où se trouve la porte arrière des autobus qui s’arrêtent à l’arrêt St-Viateur. En hiver, cette pièce de mobilier empêche les chenillettes de faire leur travail, ce qui fait que les passagers qui débarquent le font sur un monticule de glace. Tellement montréalais !

La deuxième pour avoir coulé les bordures de trottoir… six semaines après avoir asphalté la rue. Faire une bordure de trottoir demande à ce qu’on creuse une tranchée de quatre pieds de large côté rue. Le résultat est un rapiéçage de surfaces d’asphalte, rapiéçage qui a déjà commencé à se fissurer là où les bandes d’asphalte se rejoignent. Tellement montréalais !

Une troisième mention pour le fait que bien qu’on travaille ce bout de rue depuis maintenant dix ans, personne n’ait pensé qu’il serait opportun de créer un schéma d’ensemble. Les mêmes vieux trottoirs pas assez larges, les mêmes vieux arbres malades, les mêmes limites mal définies entre l’emprise des bâtiments et celle de la Ville, tant et si bien que les détritus ne sont jamais ramassés par personne, faisant de la rue l’une des plus sales du coin, ce qui n’est pas peu dire. Tellement montréalais !

De tous les commentaires que je reçois lorsque je publie dans la Presse+, ceux qui me font le plus plaisir est lorsque qu’on salue l’esprit positif et constructif de ma chronique. Une fois n’est pas coutume, alors aussi bien s’en donner à cœur joie.

Si aujourd’hui vous me lisez particulièrement exaspéré, c’est qu’alors qu’on nous répète sans cesse que les cônes oranges représentent le sacrifice nécessaire pour rebâtir notre métropole qui souffre d’un déficit d’entretien historique, et bien, force est de constater qu’il s’agit d’une fausse promesse.

Alors que j’écris ces lignes, les « pépines » sont de retour sur l’avenue du Parc ! Pourquoi ? Impossible de le savoir. « Info travaux » ne dit rien sur l’opération, et le 311, qui se fie sur « Info travaux », n’en sait pas plus. Aucun travailleur autour du trou pour nous renseigner sur ce qui se passe. Et surtout, aucun travailleur pour faire avancer le chantier. Une seule affiche où il est écrit « aqueduc » nous fait craindre le pire : sommes-nous vraiment en train de recommencer le travail qui avait été pourtant déjà fait, il y a quelques années à peine ?

Cerise sur le sundae, alors que ce chantier est apparu d’un coup sur Parc… un autre chantier est apparu au même moment, sans crier gare, rue Saint-Urbain, à la hauteur de Fairmount. Et voilà pour le chemin de contournement ! La situation est tellement absurde et pathétique que je la trouverais comique… n’eût été du fait que j’ai surpris mon boucher, Luca, dehors la tête dans les bras, parce que l’un de ses fournisseurs venait de lui annoncer de l’oublier le temps que la situation revienne à la normale.

Ce qui fait de la rue Parc une rue « tellement montréalaise » n’est pas tant la bêtise avec laquelle on gère les travaux publics ou, plus justement, la bêtise avec laquelle on ne les gère pas, mais bien la résilience exceptionnelle des commerçants qui font de cette artère ce qu’elle est, puis des Montréalais eux-mêmes qui, malgré le pénible de la situation, leur demeurent fidèles.

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