L’abolition des frais de retard permettrait aux bibliothèques publiques d’assurer l’accessibilité à la lecture pour tous et de maximiser leur utilisation et leur impact au sein de la communauté québécoise, souligne l’auteure.

Y a-t-il encore des gens qui croient que la seule activité des bibliothèques publiques est le simple prêt de livres ? J’en doute. Les bibliothèques publiques sont, au contraire, des lieux d’échanges et des endroits uniques qui donnent notamment la chance aux familles d’assister à de nombreuses activités visant à éveiller le goût de la lecture chez les enfants : heure du conte, programmes de stimulation du langage, activités parents-enfants en bibliothèque, etc.

Ces initiatives de littératie familiale sont d’ailleurs primordiales. Elles soutiennent notamment des parents qui peinent parfois à rassembler les ressources nécessaires pour initier leurs enfants au plaisir de la lecture et ainsi, leur donner la chance de commencer l’école au meilleur de leurs capacités.

Par contre, depuis le mois de mars dernier, ces activités éducatives normalement offertes sur place dans les bibliothèques publiques ont dû être suspendues en raison de la crise. Selon un récent sondage réalisé par l’Observatoire des tout-petits dans le cadre de la Grande semaine des tout-petits, 53 % des Québécois ont indiqué que, en raison de la pandémie, ils utilisaient moins les services offerts par les bibliothèques.

Considérant l’importance du rôle des bibliothèques dans le développement des familles et des enfants, surtout ceux en position de vulnérabilité, il faut s’assurer que ces institutions deviennent encore plus accessibles pour tous. Cela s’avère d’autant important actuellement, alors que de nombreuses familles sont confrontées à des pertes de revenu significatives en raison de la pandémie.

Toutefois, en temps de pandémie comme en temps normal, il existe un moyen très concret qui peut être mis en œuvre rapidement et générer, à court, moyen et long terme, de nombreux bénéfices : l’abolition des frais de retard dans les bibliothèques publiques.

Pour en illustrer les bienfaits, prenons l’exemple d’une famille plus vulnérable, qui ne peut se permettre d’assumer les frais de retard. Elle choisira donc de ne plus fréquenter les bibliothèques publiques afin de ne pas courir ce risque. Pensons aussi à tous ces parents qui ont honte de ne pas avoir payé leurs frais de retard durant des semaines et qui se résignent finalement à conserver les livres empruntés. Réfléchissons également au temps que doivent accorder les ressources humaines à la gestion complexe des multiples petites sommes recueillies par les frais de retard.

Le coût d’un livre jamais retourné sera toujours moindre pour les institutions que le coût social engendré par les effets néfastes des frais de retard, soit priver des enfants d’emprunter des livres ou encore d’accéder aux ressources et aux activités de la bibliothèque. L’abolition des frais de retard permettrait donc aux bibliothèques publiques d’assurer l’accessibilité à la lecture pour tous et de maximiser leur utilisation et leur impact au sein de la communauté québécoise.

Les municipalités ont un rôle à jouer

L’abolition des frais de retard est une pratique mainte fois éprouvée notamment dans de nombreuses grandes villes au Canada et aux États-Unis : Calgary, Vancouver, Halifax, Los Angeles, Chicago, Seattle, etc.

Il s’agit d’un mouvement international qui prend de l’ampleur dans le monde des bibliothèques publiques et c’est pourquoi nous demandons aux élus québécois d’opter rapidement pour cette solution. D’ailleurs, près de 200 municipalités québécoises ont déjà emboîté le pas.

Les autres municipalités doivent suivre ce mouvement qui leur permettra de démontrer aux citoyens qu’elles sont à l’écoute de leurs besoins et qu’elles demeurent au service des familles. Une bibliothèque sans frais de retard n’est pas une bibliothèque sans règle : c’est une bibliothèque plus ouverte, compréhensive et accessible pour tous.

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