La crise qui agite actuellement le Musée des beaux-arts de Montréal m’évoque un épisode professionnel traumatique que j’ai vécu en 2011 au sein de Quartier Éphémère, organisme artistique à but non lucratif, reconnu de bienfaisance, que j’ai cofondé en 1993 et que je dirige depuis 25 ans, notamment avec la création de la Fonderie Darling.

Cet organisme s’est construit grâce à l’implication d’une équipe créative et engagée sur le terrain, et est soutenu par un conseil d’administration. Cette double structure, qui marche de concert sur une base régulière, est un prérequis au fonctionnement harmonieux de tout organisme à but non lucratif public de droit québécois, l’un fonctionnant au jour le jour, l’autre validant la qualité de la programmation et de la gestion qu’il confie à la direction générale.

Cependant, les membres actifs constituent une troisième entité qui, en assemblée générale, ont le pouvoir souverain de coopter les administrateurs qui leur sont proposés. Entité décisionnelle ultime, ils en sont les véritables protecteurs et sont les garants de la démocratie au sein de toute association recevant des fonds publics.

J’ai fait l’expérience de cet ultime pouvoir des membres en 2011 lorsque, nouvellement élue, la présidente du conseil d’administration de Quartier Éphémère a cherché à m’expulser de l’organisme. À la recherche de fonds privés, le conseil d’administration et moi-même avons mal évalué la personnalité et le manque d’expérience d’une personne que nous avions pressentie. Prétextant qu’elle voulait s’assurer de sa « zone de confort » pour engager des fonds dans l’organisme, elle a pris le pouvoir sur le conseil en faisant nommer des administrateurs parmi ses proches et en manipulant d’autres membres, notamment un artiste à qui elle a fait miroiter le parrainage de son atelier. S’immisçant dans le fonctionnement et la gestion au quotidien, elle a même réorganisé mon bureau et renommé certaines filières, confondant les rôles impartis entre la présidence et la direction, entre le conseil et les opérations.

Cette situation intenable a pris fin lorsque, avec l’appui de certains administrateurs, nous avons convoqué une assemblée générale extraordinaire pour voter mon poste de directrice générale. Peu de temps avant cette assemblée, la présidente et ses proches ont démissionné. Mon mandat de directrice fut alors reconduit en assemblée.

Dorénavant, pour veiller à la bonne gouvernance du conseil d’administration, grâce aux efforts et à l’implication de personnes solides et engagées, un conseil des gouverneurs a été mis en place. Ces sages ont pour fonction de conseiller les grands développements de l’organisme tout en respectant sa mission fondatrice en plus d’élire six membres administrateurs sur dix afin qu’une prise de pouvoir pernicieuse ne se reproduise pas.

L’administration d’un organisme à but non lucratif n’est donc pas toujours facile à négocier. En effet, le pouvoir conféré aux administrateurs est parfois matière à débordements au détriment des responsabilités de l’équipe de direction en termes de programmation et de gestion.

Ce pouvoir semble se décupler lorsqu’il est confié à des administrateurs fortunés, habitués au rapport de force que procure immanquablement l’argent.

Durant mes 30 années d’expérience dans des organismes à but non lucratif à défendre les artistes en arts visuels et à développer leur public, nos organismes ont été entourés de personnes formidables, brillantes, impliquées sans réserve à soutenir cette mission fragile, bien que fondamentale. Encore aujourd’hui, Quartier Éphémère a la chance de compter sur un conseil d’administration et des membres en or qui s’engagent bénévolement et financièrement à défendre la mission des artistes et leur rayonnement public. En leur nom et en mon nom personnel, je les remercie de tout cœur, et que vive l’art !

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