Il est certain que plusieurs collègues enseignants appréhendent ce retour, positivement ou négativement. Je suis un de ceux que l’on qualifie d’immunosupprimés. Je souffre d’une maladie auto-immune. Mais je suis de ceux qui voient le retour en classe comme essentiel pour nos jeunes et peut-être, un peu égoïstement, pour moi aussi.

Premièrement, il est beaucoup plus facile pour les élèves de comprendre des concepts et d’apprendre s’ils sont en présence de la personne qui enseigne. Ce n’est pas moi qui le dis, mais eux lorsque je les questionnais sur ce qui leur manquait le plus pour apprendre efficacement. Le simple fait de ne pas pouvoir lever la main et poser une question ou de passer voir l’enseignant après la classe, ou même à l’heure du dîner, est un frein pour beaucoup d’entre eux.

Deuxièmement, il y a la notion d’interaction : une interaction avec l’enseignant, mais aussi avec leurs confrères et consœurs de classe.

Un cours sur une plateforme numérique en mode synchrone avec deux caméras ouvertes sur 30 est très difficile.

Comment puis-je observer leur non-verbal pour m’assurer d’un certain niveau de compréhension ? Comment puis-je m’assurer de leur niveau d’attention ? Comment puis-je m’assurer de leur participation active en tant qu’apprenants ?

Bien sûr, certains ont de très bonnes raisons de déconnecter leur caméra et je ne suis pas là pour en juger. Je dis simplement que ce ne sont pas des conditions gagnantes pour un apprentissage sérieux, voire efficace. Vous allez me dire : « Vous n’avez qu’à les obliger à ouvrir la caméra en question. » Pensez à vos propres rencontres au bureau des derniers mois. Personnellement, je peux parler de mes rencontres avec le personnel de l’école ou avec des parents, ou celles de ma conjointe avec ses collègues : navré, mais nous sommes très loin de l’ouverture de la totalité des caméras.

Je peux par contre vous dire que lorsque l’on réduit le nombre de participants aux alentours de 4, 5, ou 6 pour les adolescents, les fameuses caméras s’ouvrent et les conditions d’apprentissage s’améliorent. Alors, vous me direz : « Vous n’avez qu’à réduire le nombre d’élèves par séance !  » C’est ce que j’ai fait. J’avais cette année environ 210 élèves ; je peux vous dire que la charge de travail a augmenté considérablement, d’où les fameuses journées de 10 ou 11 heures.

En passant, j’ai la chance d’enseigner dans une école ou environ 80 % des élèves avaient accès à des outils informatiques, certains n’avaient que leur cellulaire ou une tablette. Avez-vous déjà essayé d’écrire des textes, de lire, de faire des exercices et de suivre des cours sur de tels outils ? Pas très motivant, n’est-ce pas ? Ajoutez à cela le beau temps à l’extérieur et je dois vous dire que je les comprends, nos ados. Imaginez maintenant la situation dans une école ou un quartier plus défavorisé.

Troisièmement, beaucoup d’adolescents continuent de fréquenter l’école et sont motivés parce qu’ils s’accomplissent dans leurs activités parascolaires. Beaucoup de jeunes se lèvent le matin et viennent à l’école, car ils savent qu’ils vont voir leurs amis. D’autres viennent parce qu’ils font partie d’un groupe. Qu’ils participent à une troupe de théâtre, une équipe de robotique, un club de sciences ou même une équipe de sport parascolaire, pour n’en nommer que quelques-uns, cet attachement et ce sentiment d’appartenance font en sorte que ces élèves sont motivés et répondent présents ! Leur enlever cette passion est extrêmement dommageable à court, à moyen et à long terme pour leur parcours scolaire.

Nous apprenons à nos enfants ainsi qu’à nos élèves que le plus important est de reconnaître nos torts. Au début, nous parlions de taux de mortalité beaucoup plus élevés et maintenant, les dernières estimations semblent nous rapprocher de 0,6 %. Aussi, ces taux diminuent de manière assez marquante plus la personne est jeune. Je crois fermement qu’il est temps pour nos décideurs d’admettre que la situation pandémique, et surtout celle au niveau des jeunes élèves, est beaucoup moins catastrophique qu’appréhendé au départ de cette crise, et ce, sans juger de la virulence du virus lui-même (je ne suis pas épidémiologiste, immunologiste ou médecin).

Si des mesures sanitaires ou autres doivent être prises pour permettre à nos jeunes de retrouver une situation de normalité, prenons-les.

Si nous devons accompagner une certaine forme d’anxiété, autant chez le personnel que chez les élèves, faisons-le. Si nous devons offrir plus d’accompagnement pour aider les enseignants ou les élèves en lien avec les mesures, faisons-le. Surtout, faisons-le pour aider tous ces élèves qui ont besoin de la vie scolaire et parascolaire pour s’épanouir à leur façon.

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