Le mot le plus lu et le plus entendu dans les médias et les médias sociaux dans le monde ces jours-ci est sans doute « COVID-19 ».

Ce virus originaire de la Chine a voyagé plus que Marco Polo et a effrayé l’humanité plus que Genghis Khan. Il ne ménage rien sur son passage : compétitions sportives, évènements culturels et même rites religieux. Le voilà maintenant qui s’impose comme un visiteur non désiré aux célébrations du ramadan, mois sacré pour les musulmans partout dans le monde.

Cette année, les Québécois musulmans, comme les autres musulmans, vont célébrer ramadan les mosquées fermées. 

Ils ne vont pas seulement être privés de certaines pratiques religieuses, mais ils vont être surtout privés de l’ambiance sociale et festive qui caractérise le mois du ramadan.

À mon sens, pour le commun des musulmans, la deuxième privation fait plus mal que la première. Je m’explique. L’islam est une religion pragmatique. Si le musulman ne peut pas accomplir une obligation religieuse à cause d’une force majeure, comme le virus qui nous guette ces jours-ci, cette obligation tombe ou sera altérée selon les circonstances. Les mosquées sont fermées, donc les fidèles peuvent faire la prière à la maison sans aucun problème.

Pour les musulmans, Dieu est omniprésent. Leur relation avec lui est directe. Ils n’ont pas besoin d’un intermédiaire comme un imam. Il n’y a pas de clergé en islam. Les imams sont supposés être des hommes de savoir et pas nécessairement d’autorité. Le fidèle est redevable devant Dieu et non pas devant un imam ou une autre autorité religieuse. Conséquemment, la prière à la maison en temps de confinement est aussi valable que la prière à la mosquée.

Quant à l’hygiène, il y a 1400 ans, le prophète a dit : « L’hygiène fait partie de la foi. » Tous les livres de la théologie musulmane commencent par le chapitre de l’hygiène, la propreté de l’âme, du corps, des vêtements et des lieux. Il y a cinq prières obligatoires par jour ; or, avant de faire sa prière, un musulman doit se laver, sinon sa prière n’est pas valable. Quant à la quarantaine, le prophète a dit aux fidèles, il y a 1400 ans : « Si la peste [on peut lire : l’épidémie] se manifeste dans un territoire, ceux qui sont dans ce territoire ne doivent pas en sortir et ceux qui sont à l’extérieur ne doivent pas y entrer. »

Le principe de base de cette règle est le caractère sacré de la vie humaine. La personne qui ne respecte pas les consignes de distanciation physique pendant ce temps d’épidémie met sa vie et la vie d’autrui en danger. Elle se trouve à causer indirectement un meurtre ou un suicide, ou les deux. Or, le suicide et le meurtre sont interdits dans l’islam.

Comme on voit, l’impact du confinement sur les pratiques musulmanes d’un point de vue strictement religieux n’est pas aussi négatif qu’on peut imaginer. 

C’est surtout l’impact sur l’atmosphère festive et sociale qui touche la vie des musulmans, ici et ailleurs, pendant le mois du ramadan.

Pendant ce mois sacré, les gens ont l’habitude de magasiner, de se rassembler et surtout de s’inviter les uns les autres et de s’offrir tous les soirs des soupers de fête. C’est rare qu’une personne ou une famille prenne le repas du soir du ramadan seul. 

Les rues, les restaurants et les cafés sont bondés durant les nuits du mois du ramadan, et ce, jusqu’à l’aube, heure à laquelle on commence le jeûne. Les mosquées sont pleines pendant les nuits, où les fidèles font leur prière nocturne qu’on appelle en arabe tarawih. Cette prière, même si elle est recommandée, n’est pas obligatoire et le fidèle peut très bien la faire à la maison. Mais on sera privé de l’atmosphère de fraternité et de camaraderie que la mosquée offre. On se trouve aussi privé des soupers communautaires qu’on organise dans les mosquées, surtout pendant les soirs du ramadan, ce qui aide à développer l’esprit de solidarité communautaire.

Cependant, aussi paradoxal que ça peut l’être, le temps de confinement pourrait être une occasion de vivre sa spiritualité d’une façon plus saine.

C’est une occasion de se redécouvrir soi-même et de consolider sa relation avec sa famille nucléaire, et surtout de se rapprocher de Dieu d’une façon plus intime et loin du bruit de la société.

Finalement, la COVID-19 nous a montré jusqu’à quel point notre civilisation est fragile et jusqu’à quel point le destin des hommes dans le monde est lié. Nous faisons face au même danger. Ce danger nous menace tous et ne voit pas nos différences d’origine ou de religion. Nous devons faire la même chose. Nous devons faire tomber les murs, physiques ou psychologiques, qui nous séparent et unir nos efforts pour sauver nos sociétés et bâtir un meilleur avenir pour nous et pour nos enfants.

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