Le confinement dure depuis six semaines. Pour mon conjoint et moi, cela représente six semaines à jongler avec l’école à la maison pour nos deux enfants de 5 et 8 ans et nos emplois à temps plein.

Aussi bien dire : six semaines que nous jonglons avec une situation vouée à l’échec. Et je ne parle pas ici de l’échec scolaire qui guette mes enfants, je parle de l’échec imminent de notre capacité à assurer notre job, notre rôle de parent et celui de partenaire amoureux en même temps. Je parle de mes amies éreintées qui pleurent de rage et de culpabilité lors de nos 5 à 7 virtuels devant l’impossible exigé par leurs patrons.

Je suis personnellement au bout du rouleau depuis au moins trois semaines. Ma fatigue mentale a atteint des niveaux records alors même que je considère ma situation comme « pas trop pire ». Je n’ose imaginer l’état mental des familles vivant dans des contextes socio-économiques moindres. Mais il y a quelques jours, ma fatigue a laissé place au désespoir et cette émotion, celle du désespoir, est très néfaste. Elle engloutit sur son passage tous les arcs-en-ciel scotchés sur vos fenêtres.

De l’Autobahn au rang de campagne

J’ai la chance d’être à mon compte. Par conséquent, j’ai pris l’initiative de diminuer mes heures de travail pour me consacrer à ma famille les avant-midi. Depuis une semaine, une réponse automatique indique à mes clients que je ne prends mes courriels qu’à partir de 13 h et qu’avant cette heure, ils peuvent me joindre sur mon cellulaire. Mais ce n’est pas gagné pour autant : difficile, dans une société qui roule à vitesse grand V, de passer de l’Autobahn à un rang de campagne en un coup de volant !

La société est sur le frein. Legault l’a lui-même dit : le Québec est sur pause. Mais j’ajouterais à cela qu’il est grand temps que les employeurs éteignent deux ou trois moteurs et revisitent collectivement les attentes de productivité de leurs employés.

Je suis désolée, mais mis à part les services essentiels, rien n’explique que les parents confinés avec leurs enfants doivent continuer à travailler comme ils le feraient en temps normal.

Parce que non seulement rien n’est normal en ce moment, mais parce que les grands oubliés ne seront pas les tables de multiplication et les règles grammaticales, mais nos enfants eux-mêmes. Ceux à qui on n’arrête plus de dire « chut ! » en pointant notre ordinateur branché sur une énième conférence Zoom et ceux à qui on n’arrête pas de refuser des séances de bricolage, préférant les planter devant un écran, pour ensuite crouler sous la culpabilité plombante d’être un zéro partout : au travail, avec nos enfants et avec nos conjoints.

Et plus cette crise durera, plus le désespoir s’emparera de plus en plus de parents. Il faut faire quelque chose. Exiger des parents un rendement normal au travail en ces temps de pandémie, comme si rien n’avait changé, devrait carrément être illégal.

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