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C’est encore frais à l’extérieur. C’est avril. Un jour il fait soleil, le lendemain il pleut. Un mois à finir. Après y aura mai, un autre mois qui sera heureux quand on en parlera au passé cette année.

Des trucs sur le terrain hier. En regardant sous les bâches d’hivernage, on voit que la vie tient encore à ses droits.

Les tulipes, pivoines, iris sauvages percent déjà la terre. Les bourgeons des lilas et autres vivaces se sont réveillés. Ça continue. Y aura ça de volé d’un côté. Car à regarder de trop près, il y a des bâches humaines où c’est moins beau : on découvre que ça joue d’hommeries à certains endroits (détournement de matériel, pressions politiques…). On est trop heureux de claironner les beautés solidaires des temps troubles, et de vouloir taire ses horreurs. Mais elles persistent.

Une mère qui me dit qu’elle ne trouve pas d’œufs dans les épiceries. « Laisse-moi finir de ramasser ceux pour faire les poussins, et je viendrai t’en porter demain ou après-demain maman, promis. »

M’est revenu à l’esprit qu’il y a quelques semaines on se demandait comment réconcilier l’idée alimentaire. Des camps contraires s’opposaient, à coups d’éclats et de manifestations. Évidemment, les enjeux – et conflits – vont reprendre quand l’angoisse des corps sera apaisée.

Le véritable combat de l’alimentation n’est pas de savoir si on doit se nourrir d’idéologies (végétarienne, végane, omnivore ou autres…), mais bien de viser à se nourrir soi-même. Il semble là, le défi de l’avenir alimentaire. 

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

On l’oublie facilement : c’est encore l’agriculture qui nous nourrit, écrit Marc Séguin.

On l’a en pleine face depuis quelques semaines. Quand on aura appris à se nourrir soi-même, les guerres d’idées seront obsolètes. Et ça commence au cas par cas. Chez soi. Faire son pain, cultiver quelques légumes, et s’autoriser ces accès.

Mais je ne suis pas ici pour l’éditorial, c’est dimanche. Suis ici pour raconter qu’on a commencé à « embarquer » dans les champs dans mon coin. La MRC s’appelle Les Jardins du Québec. Des milliers d’acres de terre noire à maraîchage. On a commencé à cultiver. On travaille déjà les champs les mieux drainés. Pour se nourrir. Va y avoir un manque de main-d’œuvre, mais c’est un autre problème. Là, on s’affaire à faire pousser la survie.

On l’oublie facilement : c’est encore l’agriculture qui nous nourrit. Les patates frites de la poutine viennent d’un champ. La farine aussi. Les pâtes à spaghetti viennent du blé. Le riz. Les hot-dog steamés – et leurs saucisses – viennent aussi d’une ferme, quoi qu’on en dise.

Je regarde mon potager et j’y vois du temps. Une certaine liberté. J’espère ne pas avoir à le clôturer de barbelé électrique, et devoir le défendre contre des zombies ! (je souris ici)

Parlant de zombies.

Vendredi, à Montréal. Sont partout sur les trottoirs. Comme les choux, en rangée mais à bonne distance, aux arrêts d’autobus et dans les files interminables et silencieuses des épiceries et des pharmacies, et de la SAQ. Il y en avait beaucoup dans les rues aussi. Leurs yeux sombres que j’évite, pour ne pas être contaminé. Ils marchent seuls, parfois à deux. Sans sourire, en chuchotant. Me suis frayé un chemin – sans fixer leur regard – jusqu’au restaurant d’un ami qui fait des take-out. J’avais faim. Un bout de pain chaud qui sortait du four avec du fromage d’ici. Simple comme bonjour. C’était un miracle. Vous jure. Le même sentiment – le même sourire – de découvrir que la terre n’est pas morte et que les choses continuent.

Ce n’est pas d’un milliard de dessins d’arc-en-ciel qu’on a besoin, c’est de simples fleurs.

Ce serait bien que ce soit les fleuristes les premiers à rouvrir. Avec des files interminables de gens collés.

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