L’une des phrases qu’une féministe entend le plus souvent, de la part des alliés féministes, est peut-être : « Je te le dis, des fois, j’ai honte d’être un homme. » Ça et le bienveillant : « Tu nuis à ta cause », sans oublier le fameux : « Je suis féministe, mais je pense quand même qu’il faut séparer l’homme de l’œuvre. » Ne laissons tout de même pas le féminisme porter atteinte à la rationalité, mesdames, hein, distinguons !

J’entends bien sûr la bonne volonté dans chacune de ces phrases. Je ne suis pas 100 % dépourvue de bonne foi. Mais si nous sommes aussi avancés que nous le prétendons, au Québec, en matière d’égalité entre les hommes et les femmes, nous devrions être en droit de nous attendre à un petit effort supplémentaire de la part de nos alliés féministes.

Pour être un allié de la cause, il ne suffit plus de s’indigner des cas évidents de misogynie. Si c’est facile, c’est que vous n’êtes pas en train de faire un effort !

Tout le monde s’entend pour reconnaître que le directeur de casting français qui a traité Adèle Haenel de « grosse pute », lui promettant « une carrière morte bien méritée », est un minable. Ce qui est plus difficile, c’est de dénoncer les cas plus subtils, les joyeux boys club, ou les nombreux « doubles standards » qui sévissent dans nos milieux et qui bénéficient à certaines personnes que l’on aime. C’est difficile, parce que ça porte atteinte tantôt au confort du statu quo, tantôt à cette idée que ce que nous avons est mérité selon l’effort, alors que dans les faits, nous sommes avantagés en fonction de nos privilèges. On mesure l’engagement de l’allié à sa capacité à voir les injustices dans les situations qui le concernent.

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« Pour être un allié de la cause, il n’est d’aucune utilité de s’autoflageller en affirmant avoir “honte d’être un homme” », écrit notre collaboratrice.

Pour être un allié de la cause, il n’est d’aucune utilité de s’autoflageller en affirmant avoir « honte d’être un homme ». Il n’y a pas d’essence masculine naturellement mauvaise : il y a une socialisation genrée, des comportements appris, et la bonne nouvelle, c’est que tout ce qui a été construit peut être déconstruit.

Plutôt que d’alimenter une gêne injustifiée d’appartenir à la gent masculine, on peut se questionner sur les façons de nourrir une image saine de la masculinité. Et bien sûr, dire « ta gueule » à son bro qui traite une fille de salope dans le vestiaire, même si être la personne plate qui brime le fun dans le vestiaire, ça aussi, c’est difficile.

Pour être un allié de la cause, on peut se questionner sur les raisons qui nous poussent à trouver que parfois, le féminisme va trop loin.

Généralement, on trouve que les choses vont trop loin lorsqu’on sent que l’on pourrait perdre au change. Si on débarque au moindre désaccord, c’est que notre seuil de tolérance à l’inconfort n’est pas assez élevé. Évidemment, les féministes peuvent se tromper. Mais avant de gaspiller temps et énergie à leur expliquer à quel point elles ont tort, il peut être intéressant de se demander pour quelles raisons est-ce si important de sacrifier, avec autant de colère, autant de précieuses minutes à remettre les pendules à l’heure et à bonifier la discussion de ses propres angles morts.

Pour être un allié de la cause, vous pouvez continuer à visionner les films de vos prédateurs sexuels préférés si ça vous chante, mais vous ne pouvez plus prétendre que vous distinguez l’homme de l’œuvre. Surtout quand l’œuvre est précisément imbriquée dans les patterns de prédation qui sont reprochés à l’homme.

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