Des nouvelles en provenance de Chine, de France et du Québec se chargent de nous rappeler ces temps-ci que la précieuse, la merveilleuse, la fragile liberté que nous tenons pour acquise dans les sociétés libérales est en train de se rétrécir comme peau de chagrin dans au moins trois domaines.

Wuhan la chinoise

La crise du coronavirus nous confirme de façon éclatante l’existence d’un aspect de la société chinoise qui donne froid dans le dos si l’on a en tête qu’on a affaire non seulement au pays le plus peuplé de la planète, mais à celui qui donne de plus en plus le ton dans toute une série de domaines.

On pense à la façon dont le régime autoritaire chinois est capable de reléguer chez eux pendant des semaines les habitants de Wuhan, une ville de pas moins de 8,9 millions d’habitants (11 millions en tout !). Imaginez la même situation à Montréal !

Les rues et les transports en commun vides de la mégalopole chinoise témoignent du contrôle à peu près total que le régime peut exercer sur sa population, les logiciels de reconnaissance faciale permettant de repérer ceux qui auraient l’imprudence de ne pas suivre les consignes.

Étant donné que le reste de la planète profite pour l’heure de cette aptitude chinoise à mettre efficacement en quarantaine des millions de personnes, on peut se demander si, dans le contexte où il y aura tôt ou tard d’autres épidémies comme le coronavirus à travers le monde, la méthode chinoise de faire les choses ne deviendra pas le modèle à suivre dans les autres pays.

On est en 2020, que diable !

Cela ne saurait faire oublier que le contrôle du pouvoir chinois sur sa population s’étend également à la divulgation de données plus ou moins fiables sur l’épidémie de coronavirus, dont les débuts pourraient bien avoir été camouflés par Pékin.

L’affaire Griveaux en France

La plupart des Québécois ne connaissent rien de Benjamin Griveaux, jeune et brillant politicien proche du président Emmanuel Macron dont il a été longtemps le porte-parole. Tout semblait lui réussir avant qu’il ne soit envoyé en mission l’an dernier par le parti présidentiel pour conquérir la mairie de Paris.

Mais ne voilà-t-il pas que celui qui semblait béni des dieux a vu sa carrière, sa vie de famille, sa vie tout court annihilées en un instant par la révélation « de vidéos intimes » échangées par internet avec une femme qui aurait été, semble-t-il, la compagne d’un anarchiste russe voulant le piéger.

Il n’y a rien d’illégal là-dedans. On ne parle pas ici d’exhibition publique ni de quelque chose d’imposé à une femme contre son gré, juste de bonnes vieilles pulsions sexuelles hors mariage qu’auront toujours certains hommes et certaines femmes.

Il se trouve évidemment des gens pour dénoncer l’hypocrisie d’un Griveaux à qui on reproche de s’être affiché avec sa femme et ses enfants, d’autres estimant incroyablement imprudent pour un politicien de s’exposer de la sorte en cette ère de réseaux sociaux et d’internet.

On est en 2020 que diable !

Plusieurs Français s’inquiètent quand même du rabaissement chez eux d’une vie publique où le respect de la vie privée des politiciens est traditionnellement sacré, y compris en ce qui a trait aux incartades sexuelles des uns et des autres.

Le philosophe de Lionel-Groulx

Signe des temps, chez nous, Guy Ferland, un enseignant de philosophie (eh oui !) au Collège Lionel-Groulx, se réjouissait récemment, dans un texte publié dans Le Devoir et La Presse (« #metoo change tout »), de ce qu’on ne pourra plus désormais enseigner comme avant, « en toute impunité » (sic), les œuvres « litigieuses » (resic) du marquis de Sade, Georges Bataille, Charles Bukowski, ou analyser les films de Woody Allen, Claude Jutra ou Roman Polanski, sans oublier Orange mécanique.

Le nouvel ordre moral qui s’annonce carbure à une sensibilité inédite aux attitudes, gestes et propos « dégradants », à dénoncer bien sûr, de même qu’à l’évaluation de divers comportements « déplacés », la vie des artistes étant désormais soumis à un examen attentif de leurs comportements.

L’horreur…

Notre enseignant philosophe ne nous dit pas qui déterminera quels sont les artistes ou les œuvres « non conformes aux valeurs de la société ». Sans aller jusqu’à décider s’il faudra censurer ou juste « contextualiser » les créations litigieuses, il ne craint pas de se féliciter de ce que, depuis #metoo, il soit devenu possible de réfléchir à l’une au l’autre de ces possibilités.

PHOTO AREK RATAI, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

« Les rues et les transports en commun vides de la mégalopole chinoise témoignent du contrôle à peu près total que le régime peut exercer sur sa population, les logiciels de reconnaissance faciale permettant de repérer ceux qui auraient l’imprudence de ne pas suivre les consignes », souligne Christian Dufour.

Perte de liberté de circuler en Chine. Perte de vie privée et de liberté sexuelle en France. Perte de liberté de créer et de penser au Québec.

Pierre Falardeau voyait cela venir, lui qui a déjà écrit que la liberté n’était pas juste une marque de yogourt.

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