Imaginez que nous sommes en 2040. Il y a 20 ans déjà, les gouvernements des pays industrialisés ont pris la décision unanime de mettre fin à l’ère du plastique jetable et se sont dotés de cibles de réduction.

Au Canada, après les boissons, la consigne a été élargie à tous les contenants. Pour s’adapter, les fabricants et distributeurs ont opté pour le réutilisable (oui, oui, même Nestlé, Amazon et Coca-Cola). Les supermarchés regorgent de produits en vrac et les grandes chaînes de café, Tim Hortons et Starbucks en tête, peuvent se targuer d’avoir évité l’enfouissement de 60 milliards de tasses jetables depuis l’implantation en 2025 de leur programme de consigne de tasses réutilisables.

La crise du recyclage n’est plus qu’un lointain souvenir et devant l’ambition des États de mettre fin au plastique jetable, les pétrolières ont jeté l’éponge et se sont recyclées dans l’offre et l’expertise en énergie renouvelable.

Retour au présent. Le gouvernement du Québec vient effectivement d’annoncer l’élargissement de la consigne à tous les contenants de boissons. Une décision attendue et saluée dans l’ensemble. Pour la justifier, le gouvernement nous a rappelé un chiffre qui donne le vertige : il se vend plus de 1 milliard de bouteilles d’eau chaque année au Québec, de quoi faire six fois le tour de la planète en passant par l’équateur.

Mais quelles seront les prochaines étapes ? Car même si l’objectif visé est d’augmenter le taux de collecte pour éviter que ces bouteilles ne se retrouvent au dépotoir, aucune législation n’oblige pour l’instant les embouteilleurs à utiliser du plastique recyclé dans la fabrication de leurs contenants.

Et cette absence de débouché est l’une des causes de la crise de recyclage qui secoue Montréal et de nombreuses autres villes canadiennes.

Il est permis de se demander si la solution ne serait pas ailleurs. Car ne voir le problème du plastique que sous l’angle de la gestion des déchets nous fait peut-être oublier un enjeu de taille : la surproduction.

De 60 millions de tonnes de plastique produites en 1980, le monde est passé à 265 en 2010, puis à 348 millions de tonnes en 2017. De cette production astronomique, 40 % serait consacrée à la fabrication d’emballages jetables. Difficile de croire que l’industrie du recyclage puisse venir à bout d’une croissance aussi exponentielle. Cette utopie est pourtant la solution privilégiée par nos gouvernements ainsi que par l’industrie qui propose pour répondre à la crise de pollution plastique de remplacer les emballages plastiques par des emballages plastiques « recyclables ».

Délaisser le jetable pour le réutilisable

Heureusement, consommateurs et commerçants sont de plus en plus nombreux à se tourner spontanément vers des solutions que l’industrie a jusqu’à maintenant ignorées : délaisser le jetable au profit du réutilisable. À travers la conception d’emballages réutilisables et de systèmes de recharge innovants, ou tout simplement axés sur la simplicité et le bon sens, les petites entreprises montrent plus d’imagination, d’ambition et de volonté à lutter à la source contre la pollution plastique que nos responsables politiques.

Car cette crise suscite des inquiétudes grandissantes au fur et à mesure que s’accumulent les preuves irréfutables de ses dommages écologiques et sociaux, comme vient de le confirmer l’ébauche d’évaluation fédérale parue cette semaine sur le sujet.

De l’extraction à l’élimination, le plastique pollue à chaque étape de son cycle de vie. Si on reprend l’exemple des bouteilles d’eau, les embouteilleurs au Québec « utilisent annuellement plus de 225 000 barils de pétrole, ce qui équivaut à l’émission de 97 000 tonnes métriques d’équivalents de CO2 », au dire même du gouvernement Legault.

Aujourd’hui nous le savons, la crise du plastique, celle du climat et celle des océans sont toutes liées.

La question est de savoir ce que va faire le gouvernement fédéral maintenant qu’il a les outils en main pour mettre en place une stratégie nationale de réduction à la source.

Comme l’a rappelé la semaine dernière la mairesse de Montréal, Valérie Plante, « le temps où on envoyait notre recyclage en Asie et qu’il disparaissait par magie, c’est fini ». Et si la véritable magie consistait à faire disparaître ces bouteilles et emballages plastiques inutiles avant qu’ils ne soient produits ?

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