Les récentes annonces et débats en ce qui a trait à l’aide médicale à mourir (AMM), et des événements liés à des personnes proches m’amènent à rediscuter de ce sujet et à réintroduire des voies déjà discutées dans mes articles précédents.

La quête de la réponse au mal-être constitue l’essence de la profession médicale, qu’il soit causé par une affliction physique, psychologique ou psychique. L’évolution de la science médicale depuis un siècle a permis de trouver des remèdes à bien des maux, mais aussi de mesurer si les traitements améliorent non seulement la quantité de la vie, mais aussi sa qualité. La médecine, c’est aussi et beaucoup admettre que des situations ne pourront être changées au profit d’un mieux-être et permettre dès lors la palliation en cas opportuns.

Mesurer la souffrance ?

Au-delà de la perception médicale et des mesures scientifiques de la qualité de vie, il y a les convictions profondes de chaque personne qui définissent ce qu’elle désire et qui déterminent si sa vie vaut la peine d’être vécue et poursuivie. Une amie chère est récemment décédée par la précipitation de la maladie, alors que son choix aurait été de décider du jour et du lieu. L’AMM revêtait pour elle non seulement une voie contre la souffrance, mais aussi une façon de circonscrire le deuil de ses proches en limitant l’exposition à la douleur et à la dégradation de son image personnelle.

Le mal-être pouvant permettre l’AMM est codifié depuis quelques années, dans une loi que d’aucuns ont voulue novatrice, mais qui en réalité n’a fait qu’ouvrir le questionnement social qui définit notre relation avec la mort.

Quand le mal-être cesse-t-il d’être une maladie dont on cherche à enrayer les effets pour devenir un désir de non-être ? Il y a probablement autant de réponses que de citoyens québécois à cette question. Par contre, il fut établi par voie législative que cela requérait l’entière compréhension du requérant. Il faut donc du jugement, du raisonnement, pour accéder à une demande qui est à la base un cri du cœur en souffrance.

La loi et l’AMM

Le législateur a refilé cette responsabilité au corps médical, qui décide seul de la pertinence et de l’acceptabilité sociale de l’AMM pour chaque individu qui en fait la demande, mais qui de plus procède à l’acte qui provoque le dernier souffle.

Permettez-moi de réitérer qu’il y a ici iniquité dans la responsabilité en lien avec cette demande sociale, qui éloigne les décideurs des conséquences de la loi et qui propose aux citoyens de laisser à d’autres les affres de provoquer le décès.

Il est question actuellement d’élargir l’accès à l’AMM sans égard, primo à la condition terminale causée par la maladie du patient, et secundo à la capacité mentale du patient suivant un consentement préalable. Peut-être cet élargissement devrait-il aussi définir le rôle des citoyens qui doivent intégrer pleinement ce processus qui est demandé, voire exigé et maintenant judiciarisé.

Les citoyens dans le processus d’AMM

Il est possible de porter un diagnostic médical sur l’état d’un patient sans pour autant déterminer si ce diagnostic doit ouvrir la voie à l’AMM. Il me semblerait pertinent, en révisant la loi, d’étendre ce rôle à des spécialistes en éthique, en psychologie et en sociologie. Alors que l’on vise à démocratiser le rôle de l’État, ne devrait-il pas y avoir ailleurs qu’à la Commission sur les soins de fin de vie, qui chapeaute les actes répertoriés, des citoyens autres que médecins en mesure d’assumer la responsabilité d’acquiescer à une demande de fin de vie ? Poser la question, c’est y répondre. De fait, l’acte initial de constitution de cette commission a défini qu’il ne s’agit pas que d’un acte médical régi par les organismes usuels de supervision de la profession médicale. Il faut donc aller au bout du raisonnement.

Prodiguer l’AMM

Dans le même ordre d’idées, pourquoi le Québec, à l’instar de multiples autres États, n’a-t-il pas légalisé le suicide assisté qui permet au citoyen d’avoir accès à une médication efficace autoadministrée comme aide au décès ?

Ce sont là des questions essentielles à débattre.

De fait, le débat de l’acceptabilité sociale de l’AMM a peut-être été fait, mais le débat qui entoure chaque cas devrait réunir plus d’acteurs sociaux que le corps médical.

Il ne revient pas aux seuls médecins de jouer le rôle d’arbitre entre le mal-être qui peut être l’objet de soins curatifs ou pas. Il ne revient pas non plus aux seuls médecins l’obligation de procéder à un acte de fin de vie quand le citoyen est en mesure d’y procéder lui-même.

Le philosophe David Hume, dans son Essai sur le suicide, proposait que le suicide peut être considéré sans culpabilité ou blâme. C’est avec l’acceptation du fait que la fin de vie n’est pas qu’un acte, mais est en fait une approche sociologique pour parler de notre rapport à la mort.

Le Québec est une société de tolérance et dont l’évolution étonne toujours depuis la Révolution tranquille. Il faut lui laisser le temps d’intégrer ses demandes pour faire des propositions qui permettront non seulement la fin de vie désirée, mais qui favoriseront aussi le deuil des survivants.

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