En réponse au texte de Valérie Creighton, « De grandes opportunités pour l’industrie de l’image en 2020 », publié le 13 janvier.

À la veille de la publication du rapport final à propos du cadre législatif en matière de radiodiffusion et de télécommunications, la présidente du Fonds des médias du Canada, Valérie Creighton, trace un portrait jovialiste de l’industrie canadienne de l’audiovisuel. La réalité pourrait être bien différente.

Au Québec, selon les plus récentes données de l’Observatoire sur la culture et les communications, la valeur de la production audiovisuelle de langue française a régressé l’année dernière de 3 %, et ce, pour une deuxième année consécutive. Malgré quelques réussites éparses, on ne peut pas soutenir non plus que les contenus audiovisuels d’ici ont amorcé une présence sur les écrans numériques du monde qui annonce une solide tendance. 

Dans une économie de l’audiovisuel devenue globale, les projets créatifs québécois qui ont abouti directement sur une plateforme étrangère de streaming sont à peu près inexistants.

Pire encore, le déficit commercial du Québec, pour lequel le président de Québecor tirait déjà la sonnette d’alarme à l’automne 2012, s’est accentué. Nous importons toujours bien davantage de formats de l’étranger que nous en exportons. Le succès de Révolution représente dans ce contexte une exception, et il faut savoir que son développement est issu d’une alliance créative impliquant des partenaires étrangers.

Le Québec audiovisuel d’aujourd’hui se confond entre paradoxes et paradigmes. Il est vrai, comme le souligne Mme Creighton, que nous disposons d’un arsenal créatif redoutable. Mais celui-ci est confiné à des projets de moins en moins ambitieux. Entre Les Filles de Caleb et Les Pays d’en haut, les budgets de production ont fondu de 300 %. Il est paradoxal que la matière grise ne puisse davantage rencontrer les moyens de financement et séduire les diffuseurs planétaires.

La transformation de l’économie de l’audiovisuel entraîne par ailleurs des changements de paradigmes majeurs, le plus important appelant à la solidification de notre tissu industriel et à la réduction du niveau de dépendance aux interventions de l’État. Il est illusoire, par exemple, que les gouvernements soient tenus à eux seuls de gommer les carences de notre système de radiodiffusion, qui ne parvient plus à mettre suffisamment de vent dans les voiles des créateurs et des producteurs. Et cette dégradation du marché local s’est amorcée bien avant la tornade Netflix.

Des modèles inspirants

Le monde ne manque pourtant pas de modèles inspirants pour refondre notre manière d’aborder l’avenir. Quelques-uns sautent aux yeux. Par exemple, les alliances et les partenariats susceptibles de revigorer le système canadien pourraient s’inspirer de Britbox (Angleterre) et de Salto (France) pour concentrer l’offre de streaming des radiodiffuseurs québécois et canadiens. Le concept d’alliance va prévaloir à l’avenir à plusieurs niveaux, y compris avec des partenaires étrangers en création et en production.

Par ailleurs, l’industrie québécoise en particulier pourrait se montrer plus avide de capitaux privés pour financer la création et la production de projets plus ambitieux.

Cela passe par des investissements plus importants en recherche et développement de contenus à forte valeur d’exportation. L’expérience européenne des dernières années tend à démontrer l’intérêt grandissant des fonds de capital de risque pour les idées et leur potentiel retour sur investissement.

Bref, pour grandir et s’affirmer à l’échelle mondiale, l’industrie audiovisuelle n’a malheureusement pas le luxe d’attendre toutes les réponses et toutes les solutions de la part des gouvernements.

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