J’ai terminé ces derniers jours ma lecture de L’île au trésor de Robert Louis Stevenson, un récit d’aventures formidable où tous les éléments d’une bonne histoire de quête en mer se retrouvent : flibustiers, trahisons, échanges de tirs, alcool, perroquet, sable et arbres tropicaux, et bien sûr, richesses bien enfouies !

Comme chaque fois que je finis un livre pareil, je ne peux m’empêcher de me demander et de me redemander : mais pourquoi ne nous a-t-on pas fait lire cela à l’école ? Pourquoi priver la jeunesse d’une telle richesse culturelle ? Qu’est-ce qui a bien pu se passer dans la tête de nos concepteurs de programmes pour passer outre les R. L. Stevenson, H.G. Wells, Jules Verne, Homère et compagnie ?

Nous faisons pourtant face à un décrochage scolaire plus prononcé chez les garçons. Et si on leur faisait lire des histoires de gars, cela ne les aiderait-il pas ? 

Attention aux sensibilités féministes : oui, les histoires de tribulations d’un héros face à l’adversité, cela rejoint nos jeunes hommes. Cela les aide même à se trouver des modèles et des repères dans un monde qui cherche frénétiquement à les déconstruire, quand il ne s’agit pas de les faire disparaître.

Maintenant, pourquoi lire les classiques ? Parce que s’ils portent un tel titre, ce n’est souvent pas pour rien. Ces œuvres traversent les époques puisqu’elles vont chercher les tréfonds de l’âme humaine, indépendamment de l’espace et du temps dans lesquels nous sommes situés.

En ce sens, ils sont une excellente voie d’ouverture vers l’universalisme tellement chéri de notre temps. Ils permettent de bâtir une culture commune qui transcende les frontières.

Les classiques sont indifférents à la race, au sexe ou aux convictions politiques : on y lit des Russes, des Colombiens, des Français, des Anglais, des Grecs, des Italiens et j’en passe.

Nommer nos sentiments

De plus, on y enrichit toujours notre vocabulaire, et les nouveaux mots appris permettent de transformer notre expérience du monde. Parce que nommer, c’est faire exister, et c’est savoir faire la nuance. Je me permets de m’y attarder un instant : la richesse du vocabulaire a aussi le pouvoir de nommer nos sentiments dans toute leur complexité, ainsi que nos intuitions fondamentales.

En ce sens, il est toujours réjouissant d’entendre quelqu’un nous dire qu’on a trouvé le mot exact pour décrire ce qu’il ressentait ou pensait au fond de lui-même. Parce que c’est par le mot, ou le concept, que nous pouvons lier nos pensées et pousser plus loin nos réflexions. Sans quoi nous sommes condamnés à errer dans nos intuitions anarchiques. Dans un monde qui a de plus en plus la fâcheuse tendance à ostraciser le moindre contradicteur de la rectitude politique, sans même prendre le temps de peser les différents arguments, cet apport chez nos concitoyens ne ferait pas de tort.

Les classiques ont été une planche de salut pour plusieurs. Parlez à leurs adhérents : beaucoup d’entre eux ont su terrasser leur désespoir par la lecture d’un de ces livres qui est venu mettre le doigt sur leur détresse. Quand on est déprimé, quoi de mieux qu’une lecture de Cioran pour retrouver l’un des nôtres ? Lire, c’est converser avec l’auteur : c’est déjà briser la solitude.

On dit sur toutes les tribunes que la jeunesse vit de l’anxiété. Mais débranchez-les des écrans et faites-les lire, nom de Dieu ! Cela fait des années que nous savons que la lecture est apaisante et n’a que des vertus sur la santé mentale. Noël approche : vous savez quel conseil cadeau je vous laisse.

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